Damon Albarn
Dr Dee
Parlophone
Angleterre
Note : 6/10
Par Mathieu Saint-Jean
Au-delà de ses mille et une collaborations (Gorillaz, DRC Music, Mali Music, Rocket Juice & The Moon ou The Good The Bad & The Queen), Damon Albarn semble toujours avoir été habité par une fascination particulière pour les opéras. À titre d’exemple, Monkey: Journey to the West. Une nouvelle chinoise datant du 16e siècle qu’Albarn avait adaptée pour les planches en 2007 avec son collaborateur Jamie Hewlett et le parolier Chen Shi-Zheng. Dans le même ordre d’idées, on pourrait aussi se référer à Parklife (Food, 1994), classique issu du mouvement britpop. Un opéra qui avait comme but premier de faire la promotion de la vie anglaise. C’est donc en terrain connu que Albarn aura décidé de s’aventurer pour sa toute première parution en solo (si l’on ne tient pas compte de l’embryonnaire Democrazy paru en 2003).
La petite histoire de Dr. Dee débute il y a quelques années, au moment où Albarn et Hewlett approchent le légendaire bédéiste britannique Alan Moore (Watchmen, V for Vendetta) avec l’idée de développer un opéra dans lequel on retrouverait des superhéros. De cette rencontre, ils ressortiront plutôt avec cette recommandation: adapter en textes et en musiques la vie d’un prénommé John Dee. Illustre philosophe et alchimiste du 16e siècle, il aurait aidé la Reine Elizabeth I à former son empire, tout en essayant de communiquer avec les anges durant ses temps libres. Ce n’est pas la première fois que l’on s’attarde à la vie du Dr. Dee puisque William Shakespeare lui aura consacré La Tempête et plus récemment, la formation métal Iron Maiden s’en est inspirée pour The Final Frontier (EMI, 2010).
Avant de poursuivre, il est important de noter que cette critique ne porte que sur l’aspect sonore de l’œuvre d’Albarn et non sur l’aspect scénique qui s’y rattache. Pour ce premier enregistrement en solo, Albarn a opté pour une approche folk baroque. Une approche qui s’imposait d’elle-même, puisqu’il souhaitait respecter la vie de son héros qui s’est démarqué au 16e siècle. Les 18 pièces qui composent Dr. Dee ont été enregistrées avec un ensemble de 20 musiciens issus de la BBC Philharmonic Symphony. Pour l’occasion, l’ensemble dirigé par André de Ridder s’est tourné vers des instruments datant de l’époque élisabethaine (luth, flûte, orgue, clavecin). Seul apport qui pourrait déroger de cette époque, les percussions du maître afrobeat Tony Allen qui viennent rythmer certaines compositions en fin d’album.
Il faut admettre que les premières écoutes de l’album sont pénibles. Il est difficile d’apprécier réellement les pièces instrumentales qui se dispersent dans le récit. Il ne faut surtout pas s’attendre à un enregistrement pop habituel. Il faut plutôt se préparer à des musiques qui pourraient nous faire revivre nos cours de pastorale à la petite école, des voix féminines qui plairont aux fans de Joanna Newsom ou Kate Bush et que dire sur la voix hautement perchée de Christopher Robson qui pourrait bien être confondu avec le défunt Klaus Nomi. Et Albarn dans tout ça? Vous pourrez l’entendre s’accompagner à la guitare ou à l’harmonium sur les pièces les plus intéressantes de l’album. Des pièces qui, par moment, peuvent évoquer le travail d’artistes tels Sufjan Stevens, The Decemberists, Midlake, Devendra Banhart ou même Björk. Il faut toujours garder bien en mémoire que notre cher Damon, aussi prolifique soit-il, ne demeure qu’une éponge qui profite souvent des idées de ses collaborateurs. Ici, c’est donc Damon s’inspire de Damon ou quelque chose dans le genre.
Loin d’être désagréable (après plusieurs écoutes), mais n’écrit pas un Tommy ou un Quadrophenia qui veut. Pour ceux qui préfèreraient passer outre, Albarn dévoilait (la semaine dernière) à la radio britannique qu’il travaillait déjà sur son deuxième enregistrement solo. Un album truffé de vieux synthétiseurs russes… Et pour les fans de Blur, le groupe sera des festivités entourant les Jeux Olympiques de Londre. Il donnera un spectacle le 12 août à Hyde Park pour commémorer la clôture des Jeux.