Je voulais te dire, Louisa Young

Par Antigone

"Et mes motivations à moi ? Ah, oui, échapper à la grande honte d'avoir reçu une éducation particulière de la part d'un garçon. Permettre à Mr et Mrs Waveney de refuser à leur fille l'homme qu'elle aime. Prouver que j'étais un homme, alors que ce n'était clairement pas le cas. Bon Dieu, quelles raisons de se vautrer dans le sang et la souffrance ! Et quelle est ma motivation maintenant ? Faire mon possible pour aider les gars à ne pas devenir fous et gagner la guerre..."

Riley a eu la chance de bénéficier très jeune d'une éducation assez éloignée de son milieu d'origine. Un artiste l'a pris sous son aile et en a fait son aide. Mais ce qui l'instruit d'un côté va le détruire d'un autre. Jamais il ne pourra épouser celle dont il est l'ami depuis sa plus tendre enfance, l'autre élève de Sir Alfred, Nadine. C'est alors qu'éclate la première guerre mondiale. Riley s'engage, pensant oublier là-bas ce qui les éloigne. Il y trouvera bien plus, en passant trois ans dans les tranchées de Flandres, et y perdra une partie de son visage. A son retour en Angleterre, voulant épargner Nadine, il fera tout pour la repousser, sans qu'elle puisse connaître la vérité. Elle partira alors vers la France en tant qu'infirmière, en colère et bouleversée, ignorant tout de la gravité des blessures de celui qu'elle aime.

Voici un roman qui m'a largement tenue en haleine. Les personnages sont attachants et l'histoire originale. Je voulais te dire est de ces opus qui savent nous raconter des histoires, sans grandes figures de style. Ce livre ferait certainement un très bon film.
C'est à la fin d'un monde auquel on assiste dans ces pages. Et les désillusions sont grandes, les remises en question nécessaires. La vie est soudain reconnue comme fragile et précieuse, et à vivre plus intensément, en vérité. J'ai aimé les diverses réflexions qui parcourent le livre, elles donnent un sel évident à l'intrigue, renforcant la matière des protagonistes.
Il est assez rare par ailleurs que soit évoqué de manière romanesque ces gueules cassées de 14-18 dont l'image est toujours si terrible à imaginer. Les chirurgiens plastiques de l'époque accomplissaient leurs premiers pas, des miracles techniques et humains sur lesquels Louisa Young revient longuement et avec justesse.
Une lecture sur la guerre et ses absurdités, qui a par ailleurs la grande force de donner foi en l'amour et en l'humanité. N'hésitez pas à l'ouvrir ! Il s'en est fallu de peu que je le rajoute à mes coups de coeur !

Editions Baker Street - 21.50€ - mai 2012