Festival Pop in Djerba du 27 aout au 2 septembre 2012

Publié le 16 mai 2012 par Hartzine

S’il s’agissait d’un énième festival hexagonal, affichant peu ou prou, tel les cent autres mitoyens, la même programmation, entre reformations bidons et défrichage de rase campagne, ma réaction aurait été tout autre quant au traitement de l’information reçue sur ma boîte mail. Mais l’organisation d’un premier festival pop à Djerba – Pop in Djerba (event FB) – relève tout autant de la gageure revendiquée - dans un pays, la Tunisie, en pleine mutation politique – que de la destination idyllique trop souvent mésestimée. S’entretenir avec Kamel Salih, l’instigateur d’un tel projet substituant aux relations diplomatiques cafardeuses un dialogue culturel fécond, paraissaît alors aller de soi et ce dans l’attente d’une programmation complète réunissant pour le moment, du 27 août au 2 septembre prochain, Success, Connan Mockasin, Poni Hoax, College, Thieve Like Us, Egyptian Hip Hop, DJ Gilb’r, Fangs, Nawel and the Lila Box, Haoussa…

Entretien avec Kamel Salih

La première édition du Festival Pop in Djerba se tiendra du 27 août au 2 septembre prochain. Quelles sont les motivations profondes ayant conduit à choisir la Tunisie comme terre d’élection ? 

Étant franco-tunisien né a Lille et résidant en France depuis toujours, et aussi professionnel dans le secteur culturel musical, l’idée d’un festival de musique s’est imposée naturellement. Suite à la révolution tunisienne en 2011, j’ai ressenti le besoin de nouer des liens entre ces deux pays et je me suis ensuite fondé sur une analyse du contexte pour formaliser le projet de manière pertinente par rapport aux problématiques tunisiennes actuelles. La crise économique et le chômage sont encore plus vifs aujourd’hui qu’avant la révolution, les voyageurs ont déserté la destination alors qu’il n’y a absolument aucun risque à se rendre en Tunisie… C’est une catastrophe pour le pays car le tourisme représente 9% du PIB. J’ai aussi pu observer que l’offre culturelle est très pauvre concernant les musiques actuelles jouées en live, il y a une grande nécessité d’actualiser les choses et de diversifier l’économie. Comme une forte proportion de la population a moins de 25 ans, le festival Pop In Djerba s’adresse avant tout à la jeunesse tunisienne. Enfin, le contexte de la transition démocratique doit être accompagné par toutes formes de soutien à la société civile et toutes les actions de promotion de la citoyenneté, c’est un paramètre que nous avons intégré au projet.

Est-ce une façon de sortir du langage politique et de trouver des points de convergence culturelle avec un pays dont la mutation a été bousculée par le Printemps des peuples l’année dernière ?

Le festival est, pour moi qui ne fais pas de politique, une façon de rentrer dans l’action concrète, de répondre à l’urgence et de laisser les beaux discours à ceux qui en font un métier et une finalité…  Personnellement je m’en veux un peu d’avoir cru que certains départements de coopération culturelle français nous apporteraient un peu de soutien pour au moins faire jouer des artistes français en Tunisie. En revanche, à Tunis, dans certains ministères, Mme Mathlouthi, M. Fetni et M. Aboudi ont cerné les enjeux socio-économiques du projet, ils suivent son évolution. La solidarité internationale et le dialogue interculturel sont au cœur du projet, ce festival veut faire le lien pour que l’Occident rencontre l’Orient autour des musiques actuelles – je suis justement fait de ces deux mondes, je ne représente pas un cliché identitaire ni d’un côté ni de l’autre… Le festival ouvre ses portes au monde, agit pour la rencontre et le partage des cultures entre les deux rives de la Méditerranée. Pour moi, le multiculturalisme n’est pas synonyme d’une perte d’identité mais une richesse à promouvoir. Les gens qui viendront à ce festival le feront pour découvrir, partager, échanger. Nous souhaitons créer une mixité culturelle et sociale sur scène et dans le public. Se rendre en Tunisie pour voir les artistes du moment, qui créeront les imaginaires de demain aux cotés des Tunisiens, sur une île, et après une révolution, me semble un excellent point de départ à une nouvelle solidarité. Découvrir pour la première fois Connan Mockasin en Tunisie cet été alors que le plus gros de sa tournée mondiale est prévue pour l’automne, c’est aussi aller contre les clichés du tourisme de masse associés à la destination, mettre la Tunisie à l’avant-garde artistique.

De par sa volonté d’être un peu plus qu’un « simple » festival – avec notamment l’implication de jeunes artistes tunisiens et marocains, cette attention apportée à l’économie locale, la création d’un village associatif, la participation des jeunes et l’accueil des stagiaires – le festival Pop in Djerba tente-t-il de s’affranchir d’une image qu’on pourrait vite lui accoler, celle d’une oasis occidentale, fêtarde et peu préoccupée des convulsions politiques et économiques locales ? 

Je souhaite que les voyageurs qui se rendront au festival vivent autre chose que le cliché habituel des vacances balnéaires, je souhaite qu’ils aient conscience de venir en Tunisie à ce moment précis de son histoire et qu’ils voient l’émergence de la nouvelle Tunisie, je veux des touristes solidaires. Mais c’est avant tout à la jeunesse tunisienne que nous souhaitons offrir cet évènement avec des tarifs adaptés et des projets participatifs. Le Village associatif et citoyen sera un espace où des stands seront mis à disposition des sociétés civiles partenaires et acteurs locaux pour sensibiliser les publics sur des sujets sociaux à mon avis cruciaux pour la construction d’une nouvelle Tunisie : la citoyenneté, la liberté, l’environnement, la démocratie, l’accès à la culture… Pop In Djerba a vocation à devenir un espace convivial et animé, pour échanger, partager, discuter ! Nous sommes en contact avec une trentaine d’associations locales pour monter le village associatif, beaucoup de leurs jeunes adhérents seront invités à participer à l’élaboration et l’animation de ce village, il y aura aussi des workshops de création de radios associatives conçus en partenariat avec le Club Unesco Tunis Bardo. L’émergence de la société civile est en pleine ébullition actuellement, avec la transition démocratique qu’on suit tous au quotidien, et nous souhaitons participer à ce mouvement pour ouvrir une fenêtre, provoquer l’appel d’air pour donner un espace à toute cette belle énergie. Mon travail actuel consiste enfin à faire de Pop In Djerba un événement sur le long terme avec des retombées économiques locales pérennes, quelque chose qui soit durable dans le temps et permette, à son échelle, de dépasser les idées préconçues sur la Tunisie, qu’on associe trop souvent et uniquement au farniente et à la douceur de vivre. Grâce à la sélection musicale et artistique exigeante de cette première édition, j’espère que nous saurons réconcilier la bonne musique et l’engagement.

Connan Mockasin, Gilb’r,  Success, Egyptian Hip-hop, College, Thieves Like Us, Sir Alice, Fangs… qu’est-ce qui a présidé à la confection de la programmation ? Doit-on s’attendre encore à des surprises ? 

Les artistes sont d’abord issus de mon réseau professionnel (ils viennent de Nouvelle-Zélande, d’Angleterre, de France, de Tunisie et d’Allemagne), et leur actualité et leur réelle motivation, qui m’a sincèrement touchée, ont été des facteurs importants dans mes choix. La direction artistique a été présidée par le désir de mêler élégance et énergie de la manière la plus pertinente possible. Je voulais faire découvrir aux Tunisiens une nouvelle scène musicale, et en retour faire découvrir la jeune scène tunisienne et marocaine aux publics européens. J’ajoute donc à la liste des artistes cités dans ta question la chanteuse tunisienne Nawel and the Lilabox qui prépare un excellent album, DJ Kais, le rappeur Mohamed Ali ben Jemâa et le groupe rock marocain Haoussa. J’ai aussi invité Tony Regazzoni, un artiste contemporain, pour concevoir le décor du festival. Les artistes se relaieront sur deux scènes (la scène plage et la grande scène), nous espérons plus de 2500 personnes, sur 3 hectares, un village associatif, des scénographies ludiques et originales… Les bases du festival paraissent déjà prometteuses et nous mettons toute notre énergie pour qu’il soit à la hauteur de nos ambitions ! Et oui, tu peux t’attendre à la venue surprise d’une artiste résidente en Russie !

Pour le festivalier, quelles seront les conditions sur place ? 

Nous avons fait le choix de tarifs peu chers, mais nous sommes toujours à la recherche de soutiens financiers pour assurer notre équilibre…

Sur place, le pass 3 jours sera à 45 euros, (soit 15 euros pour une soirée). Des packages sont disponibles incluant le vol, l’hôtel et le pass pour une semaine. Beaucoup d’invitations seront distribuées via le tissu associatif en Tunisie et des jeux-concours sont déjà organisés en France.

Teaser