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Vigilance : un mot qui tient la route

Publié le 26 décembre 2010 par Rolandlabregere

Vigilance : un danger est perçu. Être vigilant, c’est adopter une posture vive d’alerte. Les vigilants observent les mouvements et  préviennent  des conséquences possibles. La vigilance se cartographie, simule les risques. Belle fortune de vigilantia, qui contribue par agrégation à créer des néologismes comme hémovigilance, pharmacovigilance... Le plan Vigipirate, label officiel de la lutte contre le terrorisme, agglutine de manière incertaine la figure héroïque de la vigie, cette sentinelle scrupuleuse et l’efficacité de la veille.

Au hit des mots qui font mouche, vigilance est sur le podium 2010. On ne sait pas décompter les alertes qui appellent à la vigilance. « Il pleut, il mouille, c'est la fête à la grenouille »,  vigilance. C’est l’hiver. Coup d’œil sur le ciel : il va neiger, c’est sûr. Vigilance neige. Ça va souffler fort à décoiffer les gogos. « Vive le vent, vive le vent. Vive le vent d'hiver ». Vigilance de Météo France. Mais ça ne dure pas : la vigilance est levée à 15 h. Un communiqué nous l’apprend. La vigilance est le plus souvent dite orange, c'est-à-dire de niveau entre-deux. Le risque existe. Sans être faible ou mineur, il n’est pas inexistant mais il n’est pas extrême. Il faut être prévenu. Chacun est prévenu. Ni plus ni moins une forme d’alerte en oxymore. La surveillance est attentive, ne doit tolérer aucune défaillance mais elle est douce, atténuée. L’oxymore est la figure gagnante de la rhétorique postmoderne.

La vigilance institutionnelle est celle du pouvoir : au Moyen Âge, l’organisation de la sécurité nocturne des villes passait par le crieur qui usait de la formule rituelle popularisée aujourd’hui au cinéma et dans les BD « Dormez, braves gens, il est minuit et tout va bien ». Trop de vigilance institutionnelle corsète le libre-arbitre. La citoyenneté est encadrée, guidée. Elle est faite de consignes comme « éviter de prendre la route ». Ni expliquée, ni justifiée elle perd en crédibilité. Pour réussir, elle compte sur l’abandon du consentement : je n’ai pas besoin de peser le pour et le contre puisqu’il m’est dit ce que, raisonnablement, je peux faire. La parole des médias publics est experte : je mets ma vigilance en roue-libre. Il neige en décembre : je dois être vigilant. L’aurais-je été sans les appels à la vigilance ?

L’excès de vigilance est le paradoxe des sociétés complexes : la précaution a supplanté la prévention. Dommage pour le progrès des uns et l’éducation de tous. Un nouveau principe citoyen à définir et à conceptualiser : être en veille quant à la vigilance. Aux usagers (de la route…) il est prescrit de… ; aux citoyens, il serait expliqué les risques et les enjeux. Deux rhétoriques en tension.


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