Teasing grave !

Publié le 21 mars 2011 par Rolandlabregere

Désormais, la candidature à la présidentielle de 2012 passe par une démarche planifiée qui s’inspire, plus qu’auparavant, des techniques rôdées par la communication marchande. Le candidat est un produit de consommation courante qui a la particularité de ne se rencontrer sur les étals des marchés et dans les linéaires des grandes surfaces qu’à intervalles réguliers et constitutionnels. Soit cinq ans. La fenêtre de mise en étalage est courte et ne s’accommode pas d’approximation. Une science de la candidature est en émergence.

Demandez à l’intérieur ce que vous ne voyez pas à l’étalage

Dans la communication de masse, le « teasing », est une technique qui vise à retenir l’attention et la curiosité d’un public ciblé préalablement. Ce qui est recherché est en priorité l’intérêt du spectateur ou de l’auditeur. Tout « teasing », (en français « aguichage »), est un dispositif travaillé qui se déroule en plusieurs messages qui s’enchaînent. Ils visent l’adhésion, l’acte de consommation ou l’appropriation d’un comportement. Cette technique a véritablement été promue par la campagne d’une agence de publicité en 1981.http://my.opera.com/universalpaupiette/blog/show.dml/1969989. La même année, le slogan « La force tranquille » passe pour avoir facilité la victoire de François Mitterrand. La technique d’aguichage impose la trame d’une histoire à laquelle sont associés tous ceux qui s’approchent. La campagne de 1981 qui s’adressait plus aux annonceurs qu’au public spectateur a montré que pour réussir à faire mouche un message doit être répété sous des formes différentes sans que sa visée ne soit modifiée à chaque occurrence. Une historiette en trois temps, le dernier étant celui de la résolution de l’énigme proposée : demain, j’enlève le haut ; demain j’enlève le bas ; enfin, en troisième temps, je dévoile que je suis l’afficheur qui tient ses promesses. La démarche était créative. Ce fut la clé de son succès. Pour être bien assimilée, la communication d’aguichage doit surprendre. L’appétence déclenche le désir d’en savoir plus.

La vie en feuilletons

L’aguichage est désormais dans la besace à outils des candidats qui s’ébrouent dans le marigot de la précampagne. Il y a du monde. Il n’est donc pas possible de mentionner tous les prétendants. L’un, personnalité écologiste annonce qu’il ne sait pas s’il se présentera. En tout cas, il le dit : c’est sa façon d’enlever le haut. «Ma décision n'est pas encore prise», gageons qu’à son retour de vacances, Monsieur Hulot passera la vitesse supérieure. A l’inverse, François Hollande, très au vert, en son fief corrézien, lui, peut dire, sans rien promettre que sa « décision est prise ». Mais il ne peut aller plus loin, c'est-à-dire annoncer cette décision parce qu’il a « un rendez-vous électoral au mois de mars prochain [...]. Les élections cantonales vont déterminer ma décision ». Son acte deux, c’est d’enlever le conseil général de Corrèze, après quoi tout est possible. Autre lieu, autre registre : il faut souligner la belle perspective du directeur-président du FMI. La décision est prise mais elle n’est pas dévoilée. Là, on touche à une forme de perfection puisqu’il est dit droit dans les yeux je vous dis que je ne dis rien mais je reviendrai dire la suite. En affirmant, « Je garde ma décision pour moi », le chouchou des sondages s’inscrit dans une vraie démarche d’aguichage et prend date pour l’annonce suivante. Trop fort ! Sans brûler l’étape Une (j’enlève le haut), le peut-être probable candidat invente le point zéro du teasing en ajoutant une préface à la story à venir qui consiste à annoncer que le lendemain d’un autre jour il enlèvera le haut. Cela ne nous ôte aucun doute. La technique de l’annonce différée et celle de la candidature annoncée contribuent à la « feuilletonnisation » de la vie publique. Plus le citoyen est spectateur, moins il peut être acteur. La démocratie communicationnelle repose sur un simulacre. Il faudra approfondir l’usage de la technique du feuilleton dans la communication publique.

Formule gnangnante

De plus, le candidat mâtine sa lente entrée en matière d’une petite phrase aux airs de slogan à décliner lors des nombreux événements qui ponctuent une campagne de communication politique."Dépasser le possible sans promettre l'impossible". La formule est nerveuse, bien ciselée : six mots, toniques, appel au réalisme, verbe à l’infinitif à tonalité positive, assonance « ible » qui fait porter l’accentuation sur la syllabe précédente, presque un alexandrin, mémorisation aisée, quasi reprise d’un même terme. C’est sur ce dernier critère que réside la possibilité du renversement des termes : la proximité phonique entre « le possible » et « l’impossible » entraîne le risque du brouillage. « Dépasser l’impossible sans promettre le possible », est une formule ambitieuse, propice à la rupture et porteuse de sens. Difficile de s’y retrouver : le possible est-il le contraire de l’impossible ? "Impossible de vous dire mon âge, il change tout le temps". disait Alphonse Allais. C’est dire si la petite phrase est évocatrice. Un candidat ne devrait s’engager que pour l’un possible.