Christine Boutin tient les rênes du parti Chrétien démocrate. Il ne semble pas que ce soit un parti de masse mais plutôt une officine centrée sur le démarchage idéologique. En tant que présidente de cette structure, elle demande avec force que le nouveau programme de Sciences de la vie et de la terre de la classe de première applicable à la rentrée 2011 soit modifié. Les raisons de sa véhémence ? La théorie du « gender », mentionnée ordinairement sous la dénomination de « théorie du genre » ou « gender studies ». « Au nom du respect de la liberté de conscience des familles et de la responsabilité des parents en matière d’éducation affective et sexuelle de leurs enfants, je vous demande donc d’intervenir et de faire en sorte que la théorie du genre ne soit pas enseignée dans des cours de sciences », écrit-elle au ministre de l’éducation nationale. En effet, la théorie du genre est inscrite officiellement dans les nouveaux programmes de SVT de première. « Je n’accepte pas que les parents soient ainsi dépossédés de leur rôle d’éducateurs : c’est à eux qu’il revient de prendre en charge l’éducation affective et sexuelle de leurs enfants. L’Etat n’a pas le droit de s’attribuer ce rôle et de s’immiscer ainsi dans la formation de la conscience des jeunes », insiste-t-elle dans ce même courrier.
Christine Boutin n’en n’est pas à sa première adresse au ministre. En février 2010, dans une lettre rendue publique elle demandait l’interdiction et la diffusion du film d’animation Le baiser de la lune destiné aux enfants de CM1 et CM2. Ce film mêle poésie et drôlerie pour aborder les relations amoureuses entre personnes du même sexe, soit un poisson-chat et un poisson-lune. L’œuvre est récusée car, dit-elle, « l’apprentissage du respect de l’autre et de sa différence, intention officielle du film, ne peut se faire en niant une différence fondamentale, la différence des sexes, qui est constitutive de notre humanité ».
Derrière la notion de respect, c’est bien d’autres points qui sont en cause. Le monde tourne et évolue. Ce n’est pas à la faveur de ceux qui se bouchent les yeux pour ne pas voir que les sociétés d’aujourd’hui ont profondément évolué. La famille au premier rang. Un homme et une femme ne font pas nécessairement une famille. Les modèles familiaux sont en évolution. Idem pour la parentalité. Ce qui fait peur aux traditionnalistes, c’est que la notion de genre interroge à la fois les rapports entre les hommes et les femmes et la façon dont les rôles sociaux sont définis. Dans cette approche, intolérable pour les tenants de l’ordre moral, le masculin et le féminin sont des constructions sociales. La notion de genre remet en question l’idée acquise de « différence naturelle » entre hommes et femmes sur la base du sexe biologique. C’est la raison pour laquelle la question du genre interpelle aujourd’hui les questions d’éducation et de formation notamment en lien avec l’éducation à la sexualité. Le monde du travail est aussi concerné au travers du sexisme, de l’homophobie, des inégalités hommes-femmes. La revue Travail, genre et société [ http://www.tgs.cnrs.fr/ ] s’attache à montrer que la différence des sexes n’est pas une question mineure qui doit rester marginale. Elle s’est imposée comme une grille de lecture qui permet de comprendre le fonctionnement des sociétés saisies par les mutations sociales, politiques, économiques et culturelles.
Dans son roman, Une femme de ménage, Christian Oster déclare que « ça n'existe pas les genres de femme, il n'existe que le genre des femmes, il me semble ». Avant toute chose, la lecture d’un bon livre préserve du ridicule. Ce n’est pas loin de la formule prêtée à Lacan selon laquelle « la psychanalyse est un remède contre l'ignorance, elle ne peut rien contre la connerie ».