De prime abord, il serait possible de penser que « fadette » évoque le caractère « fade » de ce que le terme veut décrire. Il n’en n’est rien. C’est même le contraire puisque une fadette au-delà de ce qu’elle évoque, dans son contexte d’emploi médiatique, permet de découvrir tout le piquant de certains procédés. "Fadette" est un mot valise, c’est à dire une création linguistique qui résulte du rapprochement entre deux termes que rien ne prédispose à réunir. http://alain.crehange.pagesperso-orange.fr/frmotsval.html.Ce procédé est à la base de nombreux jeux de mots tels qu’ont pu les pratiquer les surréalistes ou des auteurs comme Raymond Queneau et le Collège de Pataphysique. « Fadette » est construit à partir de deux termes bien réels et actifs dans la langue : la « facture » et le « détail », surprenante agglutination de termes fort polysémiques, auxquels s’ajoutent le suffixe « ette » qui signifie petit. La fadette est la facture détaillée que fournissent les opérateurs de téléphonie à leurs clients. Ces fadettes jouent un rôle de premier plan dans l’accusation que porte le journal Le Monde vis-à-vis des services qui auraient espionné un de ses journalistes actif dans l’affaire Bettencourt-Woerth [http://www.lemonde.fr/vendredi 2 septembre 2002]. Les hasards de la création linguistique renvoient « fadette » à un roman de Georges Sand, La petite fadette, (1849), qui narre la vie de Fanchon, la petite fadette, terme créé par G. Sand qui aime parsemer ses romans champêtres de prénoms qu’elle invente afin de restituer la simplicité de la vie des paysans de la campagne berrichonne. Aujourd'hui, ce terme peut rapidement s’imposer dans la vie courante et dans les actes des échanges commerciaux : sa simplicité et sa rapide compréhension sont des atouts qui peuvent facilement le faire entrer dans les prochaines éditions des dictionnaires Robert ou Larousse. La fadette montre en gros plan ce que la facturette ne détaille pas. A Surveiller.
Des mots nouveaux, rares ou savants, s’invitent dans le discours public et s’apprêtent donc par capillarité à gagner les échanges conversationnels à des vitesses variables et des fortunes diverses. Ainsi, les médias nous apprennent que le candidat à la primaire socialiste, François Hollande, vante les mérites de la « domomédecine » qu’il faut entendre comme l’ensemble des actes et soins dispensés au domicile du patient ou durant ses activités socioprofessionnelles tout en intégrant la dimension du maintien en autonomie. Il a en outre souligné les apports de « la bioraffinerie », procédé qui consiste à tirer profit de tous les composants d’une matière. Il faut en savoir des choses pour dépasser le stade primaire.
S'il est un domaine où les mots nouveaux se bousculent, s'affichent dans les gazettes, c'est bien celui lié à la technologisation de l'agriculture, par le principe que les experts appellent "les changements indirects d'affectation des sols". Une périphrase toute en prudence cauteleuse. Les cultures dites énergétiques entrent en concurrence avec les cultures alimentaires. La consommation de biocarburants générerait un taux supérieur de gaz à effet de serre que celui émis par les carburants fossiles. Le bioéthanol, élaboré à partir de céréales et de betteraves présenterait un bilan carbone meilleur que celui des énergies fossiles. [Le Monde, 20 juillet 2011]. Sur la plan économique, de son côté, la filière "biodiesel" est inquiète pour son avenir. Il faut noter au passage l'emploi de "biodiesel" en position d'adjectif épithète qui reste invariable. Les nouveaux mots ont-ils à terme capacité à modifier les règles grammaticales ? La catastrophe de Fukushima pousse sur le devant de la scène linguistique des mots qui n'ont de rapport qu'avec l'urgence et la gravité de la situation de la région atteinte de pollution nucléaire. Une expérience de "phytoremédiation" est tentée sur les sols de Fukushima. Il s'agit en l'occurence de tester une dépollution des sols par la plantation de tournesols. En France, quand les éoliennes sont pointées du doigt pour souligner les effets néfastes qu'elles produiraient, ce sont les "aéorogénérateurs " qui sont mis en question. Un mot dont la représentation est positive pour les aménageurs, les élus favorables et les financiers (éolienne), un mot malconnu, au sens approximatif pour désigner les méfaits de cette technologie (aérogénérateurs). Preuve que toute communication publique, à ne pas confondre avec la propagande de jadis, se joue des mots avant de jouer avec les mots.
Si les mots d’en haut se portent bien, la mobilisation citoyenne autour des gaz de schiste a permis de faire comprendre concrètement que leur exploitation s’avère une aventureuse entreprise de destruction des paysages et de l’environnement. Retour des slogans et des affiches bricolées. Ils étaient nombreux ceux qui ont clamé que la montagne est belle entre Aveyron et Ardèche.
Les mots d'en bas s'expriment collectivement
La fracturation hydraulique bien connue désormais risque d’alourdir rapidement la facturation hydraulique.
Un livre récent montre comment le corps des Mines a décidé les forages sans imaginer un seul instant que les populations pourraient avoir un avis. http://www.rue89.com/planete89/2011/09/02/le-livre-sur-les-gaz-de-schiste-qui-derange-le-demi-frere-balkany-220063 Jouer aux apprentis sourciers les ravit. Les énarquegumènes et les ingénieurocrates ont besoin de réviser les bases de la citoyenneté républicaine.
Ces mots nouveaux, pour n’avoir pas trop l’air d’être à l’ouest, à côté de plaque, il va falloir se les coltiner. Les apprendre et les placer à bon escient dans les conversations. En l’absence de ce réflexe de bonne pratique, c’est le diagnostic de "l’anosognosie" qui guette les amateurs de l’approximation et du négligé sémantiques. Ce trouble neuropsychologique est supposé empêcher l’ancien président Chirac de participer à son procès. C’est le vrai mot de la rentrée. Moins difficile à prononcer que « paraskevidékatriaphobie », la crainte des vendredis 13. Faire le test : ne pas oublier comment se nomme la peur du vendredi mythique.