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"Une heure avec Rousseau" ouvrage collectif

Publié le 15 mai 2012 par Francisrichard @francisrichard

Comme on commence à le savoir, et plus particulièrement à Genève, 2012 est l'année du Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau.

Les éditions Xenia ont eu la bonne idée d'inaugurer une nouvelle collection, pour lecteurs pressés, intitulée Les Heures, avec un livre, qui se lit en une heure, en compagnie de Rousseau, justement.

Rousseau n'est ni français ni suisse, mais citoyen genevois, comme le rappelle opportunément Yves Bordet dans son introduction à cet ouvrage collectif.

Ce chercheur au Centre Lucien Tesnière de l'Université de Franche-Comté , à Besançon, resitue dans son introduction la Genève dans laquelle Rousseau est venu au monde. Ce texte, à la fois très dense et très savant, sans être le moins du monde ennuyeux, est une excellente introduction au reste du livre. 

Ce livre n'a pas la prétention d'être exhaustif. Il serait plutôt apéritif à l'oeuvre multiple et éclectique de Rousseau, auteur d'opéras, d'essais, de roman, d'écrits polémiques, de confessions et de promenades rêvées. Et les contributions de cet ouvrage ont le mérite, chacune à sa façon de ne pas emprunter de sentiers battus.

Ainsi l'angle sous lequel Eric Werner aborde le Rousseau philosophe n'est-il pas habituel. Il nous le montre pétri de contradictions assumées, à la fois vibrionnant et sachant ce qu'il veut, en quête de soi non pas de manière statique mais évolutive, à la recherche de la vérité, c'est-à-dire mettant sa vie mouvementée au service du vrai.

Jan Marejko nous présente le Rousseau de la volonté générale dépassé par sa théorie inachevée, hostile aux débats, où se forme pourtant l'opinion populaire, auxquels il préfère sans conteste un corps politique aussi fusionnel que possible, ce qui peut conduire au despostisme que seule peut contrecarrer une division de souveraineté.

Tanguy L'Aminot évoque des héritiers de Rousseau, les Naturiens, certes éloignés des écrits de ce dernier mais s'en réclamant, prônant le retour à la nature primitive où l'homme arrive à subvenir à ses besoins grâce aux seules ressources naturelles, ce qui n'est pas sans rappeler nos écologistes adeptes de la décroissance.

Jean-Blaise Rochat nous rappelle qu'avant d'être écrivain Rousseau est un musicien, compositeur d'opéras dont les succès, hormis Le devin du village se démentiront très vite. A défaut Rousseau se fait par l'écrit le défenseur de la musique italienne légère, populaire, contre la musique française, lyrique, gouvernementale.

Jérôme Lèbre nous raconte le Rousseau marcheur, dont la pensée se construit lors de ses déambulations. Certes il est bien obligé de s'arrêter par moment pour écrire, mais il lui est alors impossible de restituer sur le papier tout ce que son imagination fertile a produit. De ce mouvement incessant il reste quelque chose dans toutes ses théories. 

Alfred Dufour nous dresse le portrait d'un Rousseau chrétien, qui est surtout attaché à la morale évangélique et qui refuse dogmes et excommunications. Ce qui n'est pas fait pour lui attirer les bonnes grâces des autorités religieuses établies qui trouvent ses oeuvres impies et condamnables et, parce qu'il s'affirme chrétien, lui vaut les attaques de ses anciens amis des Lumières.

Clovis Gladstone nous explique la position de Rousseau lors du célèbre tremblement de terre de Lisbonne de novembre 1755. Pour Rousseau "c'est le choix humain qui détermine le mal dans le monde et non pas l'ordonnancement de la nature par Dieu". C'est ainsi que le mal particulier, le choix d'avoir construit cette ville à cet endroit, n'affecte pas "le tout est bien".

Enfin Céline Wang nous révèle l'influence du Contrat social de Rousseau en Chine depuis plus d'un siècle, dans les débats politiques. D'aucuns voient en Rousseau un précurseur de la "dictature collective", d'autres le véritable fondateur de la démocratie moderne. L'étude du rousseauisme ne s'y limite pas à la politique, mais s'étend au droit, à l'éthique, à la sociologie, à l'esthétique, à la psychologie et aux lettres.

Ces différentes contributions, illustrées par une iconographie judicieuse et précieuse, montrent qu'il y a beaucoup à dire sur Rousseau et son oeuvre, qu'on soit en accord ou non avec lui, qu'on apprécie ou non sa manière d'écrire, qu'on aime ou non sa personne. En attirant l'attention du lecteur sur quelques points particuliers, elles le mettent en appétit et lui donnent envie d'en savoir davantage.

Cette visite d'une heure se termine par une orientation bibliographique, dans laquelle le lecteur peut retrouver des ouvrages écrits par certains des contributeurs, et par un tableau synoptique, dans lequel il peut situer chronologiquement les grandes dates de Rousseau et de son temps.

En somme passer de cette façon une heure en compagnie de Rousseau est fort instructif et devrait inciter le lecteur à reconsidérer ce qu'il sait de Rousseau. La personne et l'écrivain sont en effet plus complexes que les caricatures qui en sont faites d'ordinaire.

Francis Richard  

Une heure avec Rousseau, 72 pages, Xénia ici


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