Premièrement, avouons le illico sans honte: jusqu'à pas plus tard qu'avant l'annonce de la date au RKC, on ne savait pas précisément ce qu'était l'Haçienda. Alors pour les ignares de notre trempe, notons tout de suite que non, "Haçienda" n'est pas le nom d'un cocktail plein de feuilles de menthe qui restent coincées entre les dents. Il s'agit en fait d'un ex-club de Manchester. Un lieu mythique, fondé dans les années 80 par Tony Wilson et Rob Gretton (Factory Records) avec les thunes de New Order. Il a bouillonné jusqu'au début des années 90 avant de fermer définitivement ses portes en 1997. Pile à l'époque où je confectionnais des colliers en macaronis et des poèmes pleins de "Je t'aime" pour la fête des mères. Si l'on en croit les photos, c'était plutôt joli (le Haçienda, pas mes bricolages). Et les locaux, aujourd'hui reconvertis en parking, auraient encore des poteaux rayés (si l'on en croit ce documentaire). Mais c'est évidemment bien moins fun qu'au temps des folles raves party.
Rave party? Comme dans house, lolettes et smiley? Voui. L'Haçienda, c'était les années 80, c'était l'époque des Happy Mondays mais aussi de trucs comme le tube "Move Your Body" de Marshall Jefferson (bien avant Beyoncé). Ce morceau, considéré comme une des premières production house a débarqué de Chicago où le genre aurait vu le jour dans le club Warehouse. On prend quelques raccourcis pour contextualiser vitef, mais en gros, si on évoquait David Guetta plus haut, c'est qu'il est en quelque sorte l'enfant illégitime de toute cette mouvance. Et aussi que dans son club Fac(tory) 51 aka The Haçienda, Tony Wilson a certes fait jouer quelques groupes au début, mais au final, ce sont les DJs qui remplirent la salle pour se faire ovationner par une foule en extase (dans tous les sens du terme).
Cela dit, en nous rendant à la soirée hommage, on ne savait pas trop à quoi s'attendre. Déjà, il n'est pas évident de se dire qu'un type comme Peter Hook qui a fait partie de Joy Division et New Order aie pu se reconvertir dans de la dance music waka waka. Mais si le passage de la new wave à l'électro pop représentait déjà un certain saut, se retrouver à nous balancer "Love Will Tear Us Appart" agrémenté de basses groovy, c'est tout de même faire preuve d'une sacré souplesse. En particulier lorsque pour changer du tube n°1, on passe au tube n°2 de sa carrière ("Blue Monday") avant de revenir au premier, au cas où il y avait encore un type dans la salle qui n'était pas sûr de connaître au moins le refrain par coeur et au delà. Mec, on veut bien reconnaître que ta jeunesse a l'air d'avoir été incroyable mais là c'en est trop. Continue à "suivre le cours naturel des choses" et prends ta retraite s'il te plait. Et même si certaines personnes trainant en dehors du Rocking-Chair pendant ce set moyennement intéressant argumentaient qu'il "faut bien remplir la marmite d'une façon ou d'une autre", on reste sceptiques.
Mais bon, il n'y a pas que Hook dans la vie. La soirée comportait d'autres noms de renom. Malheureusement, on ne les a pas vus, mais il parait qu'au moins Andrew Weatherall était génial. On veut bien le croire. Ce type a commencé avec un fanzine tout photocopié avant de propulser des groupes au travers de ses remix et productions (Primal Scream, notamment, lui doit son succès). Pour ce qui est de Darren Emerson, on ne sait pas trop. Cependant, on se souvient du set de son ex-groupe spécial années 90 Underworld à Rock en Scène et si ça se trouve on n'aurait pas vraiment aimé non plus. Ceci ne justifie rien du tout mais bon voilà, on n'était plus là. Et soit dit en passant, nos 90ies à nous sont à peine plus tardives et sont plutôt marquées par des groupes comme les Spice Girls, Manau, Britney Spears et Robbie Williams. On verra ailleurs pour le revival.
Pour en revenir au Haçienda, pas sûres que la tournée d'anniversaire des 30ans valait vraiment la peine. L'effervescence qui caractérisait le lieu n'a pas refait surface au moment de notre passage au Rocking-Chair. Ce qui est néanmoins certain, c'est que cela a fait ressortir quelques pans de l'histoire de la musique un peu cachés sous l'aura des groupes de légende de Manchester. Et comme le dit le personnage Tony Wilson dans "24 hours party people" (Michael Winterbottom, 2002) si "être au Hacienda était comme participer à la Révolution française", sa fermeture n'était pas un mal. Ainsi, "il ne prend pas le risque de mal vieillir".