Pendant que Hollande sera en formation Chef d’État Pour Les Nuls pendant la matinée, la zone euro se prépare à l’accueillir dignement, avec les égards dus à son rang, en partant en sucette : eh oui, même si c’est en slow-motion, l’agonie de la monnaie unique continue et le quinquennat du Socialiste va commencer par une partie fort épineuse.
Les élections grecques n’auront finalement pas laissé de répit pour François : une grosse semaine après son élection, les marchés sont encore plus tendus et la plupart des analystes sérieux estiment que le nouveau président de la République française n’a, en définitive, aucune période de grâce.
Comme je l’avais mentionné dans un précédent billet, Hollande n’aura même pas 100 jours pour boucler ses réformes et autres progrès géniaux dans le monde merveilleux de la réalité européenne. D’ailleurs, certains ne lui prêtent que 10 semaines maximum pour se réveiller un bon coup ou à défaut, planter définitivement le pays.
Du reste, la probabilité que le nouveau président fasse un peu n’importe quoi est suffisamment forte pour qu’un nombre déjà notable de Français s’expatrie rapidement pour fuir l’enfer fiscal que la France devient depuis quelques années : pour les Londoniens, c’est devenu une évidence, qui voient débarquer des cohortes de Froggies prêts à gagner de l’argent chez eux plutôt que sur leurs terres natales.
Et ces signes avant-coureurs d’un passage difficile pour le pauvre Hollande ne sont pas les seuls, loin s’en faut.
Même si Merkel veut à présent placer ses relations avec lui sous un signe un peu plus hospitalier que ce que les premiers échanges laissaient augurer (avec un refus particulièrement ferme — et parfaitement prévisible — de toute renégociation du dernier pacte), il n’en reste pas moins que la suite logique des soubresauts grecs est déjà prise en compte par la plupart des grosses sociétés qui se doivent, en coulisse, de préparer le pire même si, en façade, elles espèrent le meilleur (et prendront tout ce qui vient).
Le défaut grec, pour le moment aussi mal boutiqué que délétère, continuera donc jusqu’à son issue évidente : l’abandon de l’Euro et le retour à la Drachme, ce que préparent discrètement les banques. Certes, la probabilité que l’Allemagne fasse elle-même cette manœuvre risquée a déjà été évoquée (ici et là, par exemple) mais les événements semblent prendre de court nos amis Teutons : la Grèce risque bel et bien de sortir de la zone avant l’Allemagne, et – évidemment – pas pour les mêmes raisons. D’ailleurs, cette dernière a déjà commencé à compter ce que cette sortie allait lui coûter…
Du côté des banques et assurances françaises, même si on ne veut surtout pas effrayer les marchés (ces grands enfants vite impressionnables), on n’hésite pas à se faire rassurant : oui, on saura répondre « prêt » lorsque le vent va se lever, et le secteur bancaire français a déjà fait tout ce qu’il fallait ou à peu près pour que tout se passe dans les meilleures conditions.
Pour les assurances, Groupama va suffisamment bien pour qu’aucune inquiétude ne soit nécessaire. Passons.
Le Crédit Agricole nous assure qu’il gère. Peinard. Dexia, solide banque franco-belge, promet elle aussi de résister au petit grain qui s’annonce (et heureusement, ce n’est pas comme si son passif était lourdement grévé d’actifs toxiques et d’emprunts contractés par des collectivités globalement insolvables). Natixis, elle aussi, a déjà rédigé le plan de contingence pour cette éventualité. À sa lecture, on comprend que tout va bien se passer, notamment quand on jette un œil sur les petits graphiques suivants :
Une sensibilité de plus en plus forte des emprunts d’État à 10 ans au spread par rapport au Bund allemand, un chômage (notamment un chômage des jeunes) qui affiche une vigueur embarrassante, pas de doute, on a ici des ingrédients factuels intéressants pour un avenir rose : augmenter les impôts semble difficile à mesure que les gens ne travaillent plus, et emprunter sur les marchés va devenir de plus en plus risqué.
Zut et crotte. Faudrait-il tâter d’une autre voie ? Par exemple, une diminution sensible, drastique et intelligente des dépenses de l’État ? Vous n’y pensez pas !
Bref : Hollande n’a pas encore le temps de réchauffer le cuir moelleux des fauteuils élyséen qu’il va devoir affronter une conjoncture probablement un tantinet plus rude que ce qu’il avait imaginé avec des morceaux de dégradation de note souveraine dedans, et qu’il va donc devoir trahir, proprement et consciencieusement, chacun des objectifs politiques idiots qu’il avait pipeauté dans son programme. Et le plus drôle (enfin, façon de parler), c’est que même en reniant son programme et ses ambitions, la France sera rapidement dans le même sac que l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce.
La réalité, c’est que personne ne sait précisément ce qui va se passer : si gouverner, c’est prévoir, il est maintenant évident que personne n’a rien prévu et que les « gouvernements » qui se sont succédé dans les pays européens maintenant en difficulté ont fait les clowns grassement payés. La France n’échappe pas à la constatation : en quarante années, des générations de branleurs inconséquents obsédés par le pouvoir n’ont jamais remis le pays sur la chemin d’une saine gestion et ont systématiquement choisi la facilité, la procrastination et les polémiques stériles aux réformes de fond…
Le mur arrive, et il s’appelle drachme.
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