C’est un événement d’importance majeure pour Snecma : son «petit» moteur Silvercrest, 9.500 à 12.000 livres de poussée, a été choisi par Cessna pour propulser le nouveau biréacteur d’affaires baptisé Longitude. Le programme a été officiellement lancé cette semaine à l’occasion du salon professionnel EBACE qui se déroule actuellement à Genève.
L’apparition du Longitude constitue une double première. Pour Cessna, tout d’abord, avionneur très affaibli par la crise grave que traverse l’aviation d’affaires mais qui n’en conserve pas moins les moyens nécessaires à l’élargissement de sa gamme de produits. Pour Snecma, ensuite, qui obtient enfin, de haute lutte, une première application pour le Silvercrest. Ce qui lui permet d’aborder pour la première fois le marché des «bizz jets», domaine dans lequel le motoriste français n’était pas encore présent. C’est une victoire importante, porteuse d’avenir à condition de regarder au-delà des difficultés conjoncturelles actuelles, dont les effets sont littéralement ravageurs.
L’année dernière, Cessna, entreprise très diminuée mais qui n’a rien perdu de son dynamisme technique, a vendu 689 avions, dont 183 biréacteurs de la prolifique famille des Citation. Ses récents accords avec l’industrie chinoise devraient en principe l’aider à remonter la pente, dans le cadre d’une alliance stratégique que certains disent prometteuse, d’autre contre nature. Il ne fait pas de doute, en effet, que les Chinois développeront tôt ou tard des jets d’affaires de leur propre conception. Mais peut-être en partenariat avec Cessna.
Le Silvercrest, dès sa première apparition, avait été qualifié de pari risqué. Il s’agissait, en effet, d’installer Snecma dans un domaine nouveau, sans y disposer d’entrée d’une grande notoriété. En revanche, dans une tout autre catégorie, Snecma était en mesure de faire valoir la qualité de ses relations étroites et fructueuses avec General Electric, grâce au CFM56, succès d’une ampleur sans précédent. Et, qui plus est, succès transatlantique. On imagine que Cessna a dû en tenir compte en optant pour un moteur français entièrement nouveau qui, jusqu’à présent, n’a pas été au-delà de quelques prototypes.
Les experts supposaient que le Silvercrest serait lancé grâce au démarrage d’un nouveau biréacteur de Dassault Aviation, le SMS, Super Mid Size, dont l’étude se poursuit à Saint-Cloud, dans le plus grand secret. Mais c’est finalement à Wichita, dans le Kansas, qu’a été donné le coup d’envoi, les ingénieurs américains étant sensibles à la promesse d’une consommation de carburant inférieure de 15% à ce qui se fait de mieux actuellement. Un argument commercial de poids, dans la mesure où le prix du kérosène est installé, durablement semble-t-il, au-delà de la barre fatidique des 100 dollars le baril.
Avec le Longitude, Cessna joue gros. Il s’agit également d’un SMS qui, dans sa configuration de base, emportera huit passagers en plus de deux pilotes. Il volera en croisière à 900 km/h et sera capable de franchir sans escale une étape de 7.400 km, affichant ainsi des capacités transatlantiques. Son cockpit, bien entendu à l’image de l’état de l’art, sera équipé d’une «suite» avionique de Garmin.
Le duo Longitude/Silvercrest constitue indubitablement un gros pari sur l’avenir. Il suppose en effet que l’aviation d’affaires de haut de gamme reprenne rapidement des couleurs, un tel avion étant affiché à 25 millions de dollars environ. Un niveau de prix qui, implicitement, va poser un problème à son futur concurrent français, nouvelle illustration de la difficile équation mettant face à face un euro cher et un dollar faible. D’où la perspective d’un nouveau bras de fer franco-américain.
Pierre Sparaco - AeroMorning