Marie-Hélène Aubert, a dirigé le pôle "Environnement, développement durable et énergie", auprès François Hollande, pendant la campagne présidentielle. Dans une interview au journal Le Monde, voici ce qu'elle exprime à propos de la fiscalité environnementale du prochain quinquennat.
"Comment allez-vous financer cette transition écologique ?
Plusieurs pistes existent. La réforme fiscale annoncée par François Hollande aura un versant écologique important avec l'instauration de bonus-malus, du principe pollueur-payeur et d'une réflexion sur l'évolution du financement de la protection sociale qui pourrait à terme notamment s'appuyer sur la création de taxes sur les différentes sources de pollution."
Que faut-il en conclure? Les arbitrages ne sont pas faits, plusieurs pistes sont envisagées. François Hollande envisage de s'appuyer sur les principes, fiscalement saints, du bonus-malus et du pollueur-payeur. Toute la difficulté sera de trouver les bonnes modalités de mise en place de ces principes pour qu'elles soient efficaces et acceptables par l'opinion.
Par contre, il est plus inquiétant de voir réapparaître l'idée de financer la protection sociale par des taxes sur les pollutions. Il s'agirait alors de mélanger des carpes et des lapins. On ferait dépendre notre système de protection sociale de sources de revenus liées à notre capacité collective à polluer !
Cette politique, mélangeant écologie et sociale, veut s'attaquer à notre "coût du travail" avec des moyens financiers qui sont comparables à celles de la défunte TVA sociale: cela serait une erreur politique et économique, qui retomberait sur le consommateur, sans nous permettre -et c'est heureux!- de rejoindre le coût d'un salarié chinois ou roumain!
En réalité, une politique environnementale efficace doit chercher d'abord à atteindre un objectif majeur: financer les investissements considérables nécessaires à la transition énergétique. Présentons une démarche concrète et efficiente permettant d'atteindre cet objectif à travers trois enjeux essentiels : financer la transition pour la production d'énergie, pour l'efficacité énergétique dans le bâtiment, pour la mobilité à travers trois taxations fiscales.
1-Production énergétique : une taxation différente sur les factures des consommateurs selon la proportion d'énergies renouvelables de leur fournisseur d'électricité. Les surplus de cette taxation sont rendus au consommateur pour qu'il investisse dans les énergies renouvelables, soit à son profit (achat de panneaux photovoltaïque par exemple) soit en achetant des parts de sociétés investissants dans les ENR.
2-Efficacité énergétique dans le bâtiment: la taxe d'habitation est modulée selon le diagnostic énergétique du logement. Le produit de cette taxation est rendu au contributeur quand celui-ci veut investir pour rénover son logement et améliorer son efficacité énergétique.
3-Mobilité: la TIPP sur le carburant est accompagnée d'une petite taxe dont le produit sert intégralement à investir dans les véhicules propres (intégralement électrique ou hybride dont la consommation est inférieure à 3 litres/100km).
Ces trois taxations environnementales respectent quelques principes nécessaires pour qu'elles soient à la fois acceptables et efficaces.
1-Elles sont volontairement très faibles au début (quelques euros par personnes et par an pour chacune d'entres elles). Il s'agit simplement de donner une réalité financièrement tangible aux pollutions et d'abonder des caisses permettant d'investir. Il ne faut surtout pas vouloir commettre la même erreur que pour la taxe carbone : une taxe forte et dissuasive ... qui aurait surtout pour conséquence ... de dissuader le législateur de la mettre en place!
2-Elles sont conçues pour augmenter graduellement et lentement, selon une progression connue et votée par la représentation nationale. Cette transparence est nécessaire pour permettre à chaque agent économique de prendre des décisions rationnelles en connaissant les conséquences de ses choix.
3-Les fonds récoltées sont utilisés au niveau régional, dans un souci de proximité avec les acteurs de terrain. Ces fonds ne sont pas destinés à être investis directement par la puissance publique. Ils sont redistribués aux contribuables pour leur permettre de participer au financement dela transition énergétique.
Dans un souci de justice fiscale, la redistribution est proportionnée aux revenus des contribuables. Elle est déterminée aussi par la volonté de ceux-ci d'investir au profit de la transition énergétique, selon des modalités pratiques qui pourront varier selon les régions.
Ainsi, la répartition des rôles entre le niveau national et régional sera claire : au premier, l'impulsion et le niveau de contribution (création d'une taxation, choix du taux et de son évolution), au second, l'utilisation des fonds selon des modalités choisies localement et adaptées à la réalité des territoires.
Nous avons besoin de politiques publiques volontaristes, efficientes, réactives, souples et transparentes. Elles doivent permettre de financer la transition énergétique. Devant ces enjeux énormes, seules des politiques audacieuses et imaginatives, comme celle des contributions incitatives que nous venons de présenter, pourront le permettre.