L’enjeu est celui du vivant : végétal, animal, humain, tout aussi bien. Mais cela inclut la question de la mort, puisque le vivant est par définition ce qui prend fin. Et la mort des bêtes rejoint celle des hommes : « on s’enfonce la mort par où elle vient // un chien un cheval // pas besoin de voir le sang / pour savoir qu’il flambe / puis s’écaille » (p.26). Dans tout le vivant on retrouve cette même détresse, la perte, les mains vides face à l’ « à venir / le long collier des morts / même fil » (p.35)
L’ellipse, le choix du moindre dire, rend le poème dur, âpre, cassant, mais on comprend cela comme une sécurité nécessaire. Sinon, tout serait emporté, même le poème. « Le matin où la mort éclot / les mots ne sont plus » (p.22) Donc ce n’est pas volonté de cryptage, ou un quelconque hermétisme, c’est strictement dire ce qui est possible pour que le poème tienne, résiste, ramène à parler en suturant une plaie d’être et de langue, une rupture. Plus l’expérience de départ bouleverse, plus l’écriture doit redonner du stable, du sûr, du fixe.
Même si des questions demeurent. Le livre s’achève sur l’une d’elles : « faut-il sans cesse / apprendre le visage / nouer le jour au vivant » (p.35). Personnellement, je réponds oui sans hésiter ; le livre, lui, laisse sur un silence, une tension blanche.
[Antoine Emaz]
Stéphanie Ferrat – Ventres –
Editions Potentille – 35 pages – 7,70€