Huit ans après Tarnation, Jonathan Caouette n’en a toujours pas fini avec l’histoire de sa vie. En filmant sa mère schizophrène, il nous entraine dans un tourbillon psychédélique ébouriffant.
Présenté en 2004 aux festivals de Cannes et de Sundance, le premier long-métrage de Jonathan Caouette avait scotché les spectateurs sur leur siège. Mi-documentaire autobiographique, mi-trip sous acide, Tarnation nous conviait à une expédition chaotique à travers l’histoire d’une famille peu ordinaire : celle du réalisateur. Sa mère, Renée Leblanc, souffre de psychose schizophrénique depuis son adolescence. A douze ans, une mauvaise chute la laisse paralysée et ses parents, bien décidés à trouver un remède miracle, lui imposent des séances d’électrochocs. Le résultat n’est malheureusement pas à la hauteur de leurs espérances : gravement atteinte au cerveau, la jeune fille sombre dans la folie. Des internements prolongés en hôpital psychiatrique se chargent de lui administrer le coup de grâce.
Aujourd’hui, Jonathan a 38 ans, sa mère 58. Laissant derrière eux leur Texas natal, ils quittent Houston pour New-York, où Renée doit être accueillie dans un centre médicalisé. Ce périple à travers les Etats-Unis se double d’un voyage dans le temps et la mémoire familiale : le réalisateur mêle photographies et films Super 8, textes et images, autobiographie et fiction, brasse toute la matière visuelle et sonore à sa disposition pour rendre compte de son expérience de vie hors-du-commun. Il dresse ainsi le portrait d’une famille maudite (« tarnation » signifie « damnation »), à l’image de celles qui peuplent les tragédies grecques. Abandonné par son père avant même sa naissance, élevé par des grands-parents instables et une mère démente, le petit Jonathan en est réduit à contempler leur folie, craignant qu’elle ne finisse par le gagner, lui aussi. Dès son plus jeune âge, il s’arme d’une caméra et filme cet « autre monde », cet univers parallèle dans lequel errent ses proches.
Curieux road-movie accompagné de musique folk, Walk away Renée prolonge et complète Tarnation, dont il conserve la forme, le rythme effréné et l’aspect hallucinogène. Mais pourquoi Jonathan Caouette, jeune réalisateur talentueux et salué par la critique, a-t-il choisi de consacrer un second film à sa famille de détraqués ? Est-il donc narcissique au point de ne pouvoir parler d’autre chose que de lui-même, de son homosexualité, de ses problèmes psychologiques et affectifs ? Ces questions, a priori légitimes, sont fréquemment posées aux documentaristes qui mettent en scène leur propre personnage (on pense notamment à Mickaël Moore). Mais les films de Caouette s’avèrent moins égocentriques que thérapeutiques : son objectif n’est pas tant d’étaler sa vie sur la place publique que de s’en délivrer. « Filmer et raconter sont devenus une façon de dissocier et de m’évader de ma vie. En prenant une caméra quand j’étais enfant et en l’utilisant comme un bouclier pour illuminer mon univers, j’ai trouvé une façon de survivre », explique-t-il.
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Camille P.
Découvrez Tarnation, le premier film de Caouette :