La FDIC, l’assureur fédéral des comptes bancaires américains, vient de présenter son plan d’action pour gérer la faillite des grands établissements bancaires, y compris les « too big to fail ». L’intégration de Londres dans le dispositif US pourrait à terme porter en germe l’espoir que cette gestion ordonnée des faillites des banques « systémiques » soit exportée au niveau européen.
Par Vincent Bénard.
C’est une nouvelle qui ne fera en aucun cas les gros titres de la presse, mais qui pourrait marquer un tournant très positif dans la gestion de la crise financière, et qui, tout à fait accessoirement, valide les propositions que je m’époumone à porter sur les faillites bancaires depuis quatre ans. Et comme ceux qui accréditent l’idée sont la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) et Paul Volcker, je me dis que quelque chose est peut être enfin en train de bouger dans le bon sens.
Un plan de la FDIC pour gérer les faillites des Too Big To Fail
La FDIC, qui est l’assureur fédéral des comptes bancaires américains et qui gère déjà les faillites des banques petites et moyennes, vient de présenter son plan d’action pour gérer la faillite des grands établissements bancaires, y compris les « too big to fail », tout en permettant aux unités opérationnelles de continuer leur travail quotidien pendant que les comptes de la banque en redressement sont « nettoyés ».
Et que prévoit ce plan ? Selon le Wall Street Journal :
Les actionnaires des grandes banques ou autres firmes financières seront ‘liquidés’ (Wiped out) et les créanciers obligataires enregistreront des pertes liées à la conversion de leurs créances en parts de capital d’une nouvelle entité.
Oui, vous avez bien lu : des échanges « dettes contre capital » ! Ma marotte ! Le concept que je reprend en boucle dans un article sur quatre !
Enfin ! Je ne cache pas, en toute immodestie, un grand moment de satisfaction personnelle.
« Debt to equity swaps », quel intérêt ?
Rappelons les avantages de cette façon de procéder : l’entreprise faillie, n’étant plus contrainte de payer des intérêts et de gérer le roll-over sur le principal de sa dette, reçoit un extraordinaire bol d’air en termes de trésorerie, qui lui permet de continuer ses opérations, sauf cas extrême où les pertes dépassent la somme des anciens capitaux propres et des dettes financières, ce qui est tout de même peu probable, les banques devant déclarer leur faillite bien avant d’en arriver là. Les ex-créanciers, devenus actionnaires, comprennent qu’ils n’ont rien à attendre de l’État et doivent gérer au mieux le nouvel établissement ainsi assaini pour espérer récupérer leurs pertes, par la hausse du cours de la nouvelle entité. Et si un créancier est lui-même contraint à la faillite par cette chute d’un débiteur, la même procédure peut lui être appliquée. Ainsi, les déposants ordinaires, particuliers et entreprises, peuvent continuer à commercer.
Autre effet vertueux, une telle disposition fera cesser la distorsion dont les Too Big To Fail, du fait de leur garantie implicite, bénéficiaient sur les marchés obligataires, pouvant emprunter jusqu’à 0,5% moins cher que leurs concurrentes, ce qui, avec des totaux de bilan se chiffrant en milliers de milliards de dollars, représente une subvention déguisée tout à fait considérable.
Une idée qui a fait son chemin, lentement !
Dès l’annonce du Plan Paulson de sauvetage des banques (TARP), en 2008, quelques voix outre-Atlantique s’étaient élevées pour demander que soit mise en place une telle législation, qui permettrait de résoudre les grandes faillites bancaires à la fois sans panique et sans appel au contribuable. Dès la fin 2008, je me suis fait le relais francophone de ces idées. Malgré une reprise par le très helvétique AGEFI, quasiment aucune publication mainstream française n’a repris la proposition. Et seul le Parti Libéral Démocrate lui a fait une place dans son programme – Pub.
Fort heureusement, malgré la relative indifférence médiatique, le travail inlassable d’économistes tels que Luigi Zingales ou le Mercatus Center de l’université George Mason, entre autres, semble avoir convaincu les décideurs US d’avancer en ce sens.
Quels obstacles ?
Certes, le projet de la FDIC n’est pas encore approuvé, mais il découle directement des provisions de la loi Dodd Frank de 2010 donnant mandant aux régulateurs fédéraux de mettre au point des mécanismes ordonnées de faillite bancaire. Le projet naît donc sous de bons auspices. On peut supposer que le lobby des Big 6 (Goldman, JP Morgan, BAC, Citi, Wells Fargo et Morgan Stanley), et quelques autres, va s’opposer à cette réforme sous tous les prétextes possibles et imaginables. Il faut souhaiter qu’ils échouent, cette fois-ci.
Parmi les lobbys qui ont exprimé des réticences, nous citerons également les fonds de pension du secteur public comme CalPers, le FP des fonctionnaires californiens, au bord de la faillite, et qui verrait d’un mauvais œil ses obligations bancaires converties en actions… Là encore, souhaitons qu’ils n’aient pas la peau du plan.
Parmi les difficultés à régler, le caractère international des établissements concernés nécessitera une coopération des autorités bancaires au niveau mondial, et notamment de Londres, qui abrite 88% des actifs internationaux et des positions dérivées des banques US. Or, selon le « vieux sage » Paul Volcker cité par le WSJ, ancien patron de la FED (avant Greenspan), qui conseille la FDIC dans cette démarche, le travail de la FDIC avec les autorités britanniques avance bien.
Vers une extension à l’Europe ?
L’intégration de Londres dans le dispositif US pourrait à terme porter en germe l’espoir que cette gestion ordonnée des faillites des banques « systémiques » soit exportée au niveau européen, qui en a plus que jamais besoin. Ainsi, ces banques cesseraient de représenter un risque qualifiable de systémique et l’Europe pourrait ensuite s’attaquer à la restructuration des dettes souveraines trop lourdes à porter, ouvrant la voie à un désendettement généralisé, public et privé, absolument salutaire.
Il ne faut pas crier victoire trop vite, de nombreux intérêts particuliers peuvent faire capoter le projet de la FDIC, mais si Barack Obama venait à soutenir cette avancée, alors, à mon sens, il assurerait sa réélection, en montrant qu’il est capable de protéger les contribuables américains contre les « mauvaises » grandes banques. S’il parvient lui aussi à cette conclusion, alors le projet FDIC a de bonnes chances de voir le jour.
Ah, mais voilà que je redeviens optimiste, moi !
—-
*NB : En Espagne, qui, malgré les conseils dans le vide d’un gaulois solitaire, n’a pas adopté de telles dispositions, le renflouement public de grandes banques en faillite continue. Après avoir déjà aidé le groupe pour 30 milliards sans pouvoir éviter la faillite, l’état espagnol remet 7 milliards et nationalise la troisième banque du pays. 10 milliards de moins pour l’éducation, 7 milliards de plus pour sauver Bankia : je ne donne pas cher de la peau du gouvernement Rajoy quand d’autres banques suivront… À moins qu’il n’adopte rapidement le plan FDIC-Benard !
—-
Sur le web.
Lire également :
- Analyse critique du plan Paulson
- AGEFI : Sauver les banques sans spolier les contribuables, c’est possible
- La faillite, seule régulation efficace de la finance
- Le mur des dettes souveraines, quelles solutions ?
- L’autre solution : liquider une banque à la serbe, la méthode Dinkic
- La route de la prospérité
- La distorsion en faveur des TBTF, plaie de l’économie US