Peut-on violer une personne prostituée ?

Publié le 14 mai 2012 par Juval @valerieCG

Je ne sais si vous avez suivi le nouveau scandale autour de DSK et l’affaire de viol en réunion qui vient de sortir dans les media. Encore une fois je ne compte pas ici parler de cette affaire puisque nous n’en savons rien mais des commentaires autour. (avec de tels soutiens DSK peut se passer d’ennemi : « Il est vrai que DSK aimait bien s’attaquer aux petites nouvellesIl fallait lui dire un non très ferme et pas un non plaintif qui avait plutôt tendance à l’exciter ».)

La question est plus que simple et ne va apparemment pas de soi : peut-on violer une personne qui se prostitue.

nb ; si tu es abolitionniste, ne lis pas ce texte, on va juste s’engueuler.

Déjà comprenons qu’une personne qui se prostitue ne le fait pas 24/24 ; il y a donc des moments où elle mène son activité et des moments où elle ne travaille pas. Contrairement à ce que certains et certaines semblent penser, une personne prostituée n’est pas, en permanence, prête à des relations sexuelles.

Comprenons ensuite qu’elle est libre de refuser un client et ce pour n’importe quelle raison puisque son activité n’est régie par aucun code.

Comprenons enfin qu’une personne prostituée et un client se mettent d’accord sur une prestation ; si l’une des deux parties décide au final d’en changer les termes (tenter par exemple de ne pas mettre de préservatif alors que cela a été conclu avec) alors la personne prostituée peut refuser (et vice versa). Et si le client insiste, selon ce qu’il va faire et/ou tenter il y aura agression, agression sexuelle, viol.

Enfin, une personne prostituée peut à n’importe quel moment décider d’interrompre la prestation. (je vais prendre ici un exemple qui déplaira aux abolitionnistes attention).  Imaginons quelqu’un qui va se faire épiler et dévoile à l’esthéticienne des jambes noires de crasse, une culotte tachée de ce que vous voulez avec une odeur à faire tomber un mort (parait-il que c’est courant je n’invente rien) : l’esthéticienne sera tout à fait en droit de lui dire d’aller se rhabiller et de ne pas effectuer la prestation.
On voit mal pourquoi cela différerait dans la prostitution. Une personne prostituée peut donc décider de ne pas effectuer une prestation sexuelle pour les raisons qu’elle veut. Et si vous continuez alors qu’elle a dit non vous tombez sous le coup de la loi sur le viol.

Enfin j’ai lu un commentaire disant qu’elle n’avait pas crié alors qu’il y avait plein de monde autour c’était pourtant facile.
L’agression – sexuelle ou non –  (ou le viol) n’obéit pas à la logique. je vous avais déjà dit que Germaine Greer avait été très étonnée de lire un sondage où le sentiment qui émanait de femmes ayant vu un exhibitionniste était la peur de mourir. Tout en analysant très bien le sentiment, elle démontrait qu’il n’avait rien de logique (ce qui ne veut évidemment pas dire qu’elle les condamnait).

Virginie Despentes l’explique très bien « Pendant ce viol, j’avais dans la poche de mon Teddy rouge et blanc un cran d’arrêt, manche noir rutilant, mécanique impeccable, lame fine mais longue, aiguisée, astiquée, brillante. Un cran d’arrêt que je brandissais assez facilement, en ces temps globalement confus. Je m’y étais attachée, à ma façon j’avais appris à m’en servir. Cette nuit-là il est resté planqué dans mon poche et la seule pensée que j’ai eue  à propos  de cette lamé était : pourvu qu’ils ne la trouvent pas, pourvu qu’ils ne décident pas de jouer avec. Je n’ai même pas pensé à m’en servir. Du moment que j’avais compris ce qui nous arrivait, j’étais convaincue qu’ils étaient les plus forts. Une question de mental. Je suis convaincue depuis que s’il s’était agi de nous faire voler nos blousons, ma réaction aurait été différente. Mis, à ce moment précis, je me suis sentie femme, salement femme, comme je ne l’avais jamais senti, comme je ne l’ai plus jamais senti. le crois que j’aurais réagi de la même façon s’il n’y avait eu qu’un seul garçon contre moi. C’est le projet du viol qui refaisait de moi une femme, quelqu’un d’essentiellement vulnérable. Les petites filles sont dressées pour ne jamais faire de mal aux hommes, et les femmes rappelées à l’ordre chaque fois qu’elles dérogent à la règle. Personne n’aime savoir à quel point il est lâche. Personne n’a envie de le savoir dans sa chair. Je ne suis pas furieuse contre moi de ne pas avoir osé en tuer un. Je suis furieuse contre une société qui m’a éduquée sans jamais m’apprendre à blesser un homme s’il m’écarte les cuisses de force, alors que cette même société m’a inculqué l’idée que c’était un crime dont je ne devais jamais me remettre. Et je suis surtout folle de rage de ce qu’en face de trois hommes, une carabine, et piégée dans une forêt dont on ne peut s’échapper en courant, je me sente encore aujourd’hui coupable de ne pas avoir eu le courage de nous défendre avec un petit couteau ».

Alors non parfois on ne crie pas. Ne pas crier ne veut pas dire consentir.