Quelles spectatrices seront les adolescentes qui se trouvaient derrière moi lorsque je suis allé voir « Sur la piste du Marsupilami » il y a quelques semaines ? Pas les plus cinéphiles de France, j’en ai bien peur. En même temps, aller voir une comédie populaire (familiale ?) un dimanche après-midi à 16h dans un multiplexe, c’est risquer de se frotter à un public plus laxiste dans le respect de leurs voisins. Des enfants, j’en ai vu devant le film d’Alain Chabat, venus rire devant les facéties de Jamel Debbouze et de l’ancien Nul (ou l’irrésistible Lambert Wilson dans sa petite robe à paillette), et les ados venant seuls ont cela d’embêtant qu’ils n’ont pas de figure parentale pour les recadrer lorsqu’ils se laissent emportés par le plaisir d’être entre potes, oubliant qu’ils partagent la salle avec 350 autres êtres humains.
L’important c’est que tous les enfants ne soient pas uniquement confrontés à cette vision du cinéma et à cette seule expérience de la salle. Les ados du samedi après-midi en multiplexe ne sont pas l’unique espoir de la cinéphilie (ouf !). Car de temps en temps, sous l’impulsion de parents audacieux, des adolescents s’assoient dans une salle art & essai pour aller voir un film d’auteur japonais en VO. C’était il y a quelques jours, rue de Rennes à Paris, dans la plus petite des trois salles de l’Arlequin. Celle-ci était presque pleine, et je me suis surpris à dénombrer une douzaine d’adolescents dans la salle, certains même encore des enfants, accompagnant leurs parents pour voir « I wish – nos vœux secrets », le nouveau film du japonais Kore-Eda Hirokazu. Bien sûr, les adultes leur avaient très certainement un peu forcé la main, c’est le jeu des sorties ciné avec les parents, je me souviens bien avoir été entraîné par les miens vers des films auxquels j’aurais préféré le dernier blockbuster américain en date. Mais l’enfant suit, une fois, deux fois, trois fois... Et chemin faisant, il devient plus facile d’aller voir ces films d’auteur auxquels vos parents vous traînent. On rechigne moins. Le plaisir que l’on trouve dans les films populaires se fait aussi peu à peu jour dans ces films pour lesquels il faut lire les sous-titres.
Les enfants que j’ai vu dans la salle de l’Arlequin ce jour-là, je me suis un peu reconnu dedans. Ils n’avaient peut-être pas franchement envie de voir ce film-là. Mais ils sont venus, ils se sont assis. Pendant plus de deux heures, ils ont découvert en silence cette histoire de famille déchirée, un film sur l’enfance qui plus est (certainement la raison pour laquelle leurs parents les avaient emmenés), dans lequel suite à une séparation, un jeune garçon est parti avec sa mère vivre chez ses grands-parents en province, pendant que son frère est resté à Tokyo avec leur père. Chacun des deux frères s’occupe à sa manière de son parent respectif, tout en fourmillant de cette imagination et de ces rêves inhérents à l’enfance.