Réalisé par Tim Burton
Écrit par Seth Grahame-Smith
Avec Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Chloë Grace Moretz, Helena Bonham Carter, …
1h52
Résumé :
En 1752, la famille Collins quitte l’Angleterre pour commencer une nouvelle vie en Amérique. Barnabas, leur fils, a le monde à ses pieds vingt ans plus tard, jusqu’à ce qu’il commette la grave erreur de briser le cœur d’Angélique Bouchard, une sorcière qui le transforme en vampire et le fait enterrer vivant. Deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance et débarque en 1972 pour remettre les pendules à l’heure…
Avis :
Tous ceux qui connaissent un peu Tim Burton le savent: l’enfance du réalisateur ne fut pas des plus folichonnes…
Enfant solitaire et « bizarre », le jeune Burton se réfugie vite dans son inconscient et vers l’art pour pallier ses carences en relations sociales.
Parmi ses sources d’inspiration on trouve notamment les films de monstres, les films d’extraterrestres (d’où son attirance pour le mythique Ed Wood) ou bien encore les films d’horreur à l’ambiance gothique (notamment ceux de la firme Hammer avec Vincent Price en vedette, son idole).
Mais outre ces références cinématographiques, le jeune homme de Burbank est également marqué par une série télévisée peu orthodoxe des années 60 : Dark Shadows.
Dark Shadows, à l’époque, c’était en quelque sorte une petite révolution cathodique.
En dépit de qualités techniques assez déplorables (décors en plastiques, mauvais acteurs, …), se sont bien les thèmes, uniques pour l’époque (notamment ce mélange de genres), qui ont permis de fidéliser l’audience.
Avant elle, les programmes lugubres et noires étaient principalement voués aux diffusions nocturnes ou bien aux salles de cinéma courageuses, mais jamais, ô grand jamais à la télévision en pleine journée !
Or, Dark Shadows était diffusé tous les après-midi et, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la série a bénéficié d’un énorme succès qui lui a permis de durer cinq ans, pour le plus grand bonheur des amateurs du genre (dont Burton faisait évidemment partie, mais également Johnny Depp et même Michelle Pfeiffer !).
Il n’est donc pas très surprenant de voir le réalisateur de Sleepy Hollow tenir les rênes de cette nouvelle adaptation pour le cinéma de la mythique série de Dan Curtis.
Pour se faire, Burton a réuni autour de lui toute une petite troupe d’habitués nostalgiques de ce grand moment télévisuel des années 70 : Johnny Depp dans le rôle du vampire Barnabas Collins (8ème collaboration avec Burton), Michelle Pfeiffer en descendante lointaine (2ème collaboration, 20 ans après Batman : Le Défi), Helena Bonham Carter dans le rôle du médecin (7ème apparition chez son mari) et enfin Christopher Lee dans le rôle du pêcheur (5ème collaboration).
Ajoutons à ces légendes « burtoniennes » Eva Green dans le rôle de la vilaine sorcière, Chloë Grace Moretz qui joue la fille de Michelle Pfeiffer, et une apparition exceptionnelle d’Alice Cooper dans son propre rôle, et on obtient ici l’un des plus beaux castings de cette année 2012.
Et il fallait bien ça pour faire passer la pilule du nouveau Burton !
Après un Alice au pays des merveilles particulièrement décevant, on attendait beaucoup du retour de Tim Burton derrière la caméra dans un univers qu’il pourrait mieux maîtriser.
Mais finalement, avec ce Dark Shadows, on se rend compte que le réalisateur américain a perdu de son pouvoir d’adaptation.
Celui qui, il y a plus de vingt ans, donnait un second souffle aux aventures cinématographiques du célèbre héros-capé, Batman, n’arrive plus aujourd’hui à se dépêtrer de son propre univers pour transcender celui de ses sujets.
Ce constat était déjà assez éloquent lorsqu’il s’est attaqué à l’œuvre de Lewis Carroll, et il se confirme cette fois-ci avec l’adaptation de la série de Dan Curtis.
A vrai dire, la mise en scène de Burton dans Dark Shadows est en parfaite adéquation avec le personnage principal de son film, le vampire Barnabas.
Lorsqu’il reste dans son élément, c’est-à-dire les décors sombres et inquiétants, l’atmosphère gothique, les passages noirs, le metteur en scène vit vraiment et les images qu’il filme font de même.
Mais dès qu’il s’aventure dans des scènes plus claires et plus lumineuses, il semble perdre ses moyens et se contente simplement de filmer des banalités, des séquences inertes dénuées de magie et de brio.
Même l’ironie burtonienne qui faisait jadis merveille dans Edward aux mains d’argent ou bien encore dans Mars Attacks !, semble aujourd’hui avoir presque totalement disparue… Certaines séquences nous offrent encore de temps en temps un léger sourire, mais tout ceci est bien faible.
Dur de savoir si cela vient du fait que Burton s’est, pour le film, replongé dans une certaine nostalgie de sa jeunesse, de son enfance, mais il est clair que la plupart des éléments « humoristiques » de son histoire sont fortement liés à un esprit puéril, voire enfantin qui gâche une partie des bonnes réussites du film.
Pour exemple, cette répartie de Barnabas à propos de la présence du chanteur Alice Cooper sur scène: la blague est assez drôle, mais soyons honnêtes, on la voyait venir depuis un petit moment quand même.
Il en va d’ailleurs de même pour la plupart des blagues anachroniques du film…
C’est tout cela qui, au final, gâte le film de Burton : on y trouve de bonnes choses, mais elles sont très annulées par des séquences beaucoup plus vides.
Son film est plutôt plaisant à regarder, mais il manque cruellement de vie, de puissance, d’âme.
Ne boudons tout de même pas trop notre plaisir : Burton parvient à relever la tête après l’erreur Alice. Il nous prouve une nouvelle fois qu’il est l’un des plus grands faiseurs de noirceur du 7ème art.
Rendez-vous en octobre désormais avec Frankenweenie, l’adaptation cinéma d’un de ses courts-métrages (sûrement le meilleur, à voir ici) réalisé en 1984.
Ne reste plus qu’à savoir maintenant si Burton est encore capable de s’adapter lui-même…