Une photo papier passe le temps sans difficulté, parce que le seul instrument de lecture est nos yeux. Elle conserve sa charge d’émotions, parce que les personnages vous regardent dans les yeux, ne bougent pas, et ne parlent pas pour contrarier votre nostalgie. Une photo est muette et vous permet d’être bavard, même si c’est intérieur.
Les videos ne sont pas lisibles sans un instrument compliqué, long à installer, et chaque époque a son lecteur, car leur format n’arrête pas de changer. Seul le super8 est resté longtemps stable, pour le reste et dès l’apparition des camescopes, le format, le support ont changé de manière effrénée. Cassette, mini-cassette, 8, super 8, dvd,mini dv, et j’en oublie. Il fallait conserver le camescope si l’on voulait pouvoir visionner ses films plus tard, ce que la fragilité de l’électronique n’a pas permis. Ensuite, nous avons eu les formats numériques, incompatibles entre eux, en évolution constante, et à chaque fois lisibles seulement sur l’ordinateur dernier cri. J’ai commencé avec un format mw, lisible partout, puis avec un format mov sur mon APN, un format propriétaire d’apple lisible sur quick time, et qu’aucun logiciel ne peut monter. J’ai fini par transcoder mes films en divx et avi, et les monter en perdant de la finesse. Le format mp4 est apparu, que mes lecteurs ne pouvaient non plus ingurgiter, et mon ordinateur ramait. Là on est passé à l’avchn, qui nécessite un micro très puissant que personne n’a chez lui.
J’ai toujours filmé avec des camescopes très modestes, les seuls que l’on puisse transporter, et utiliser facilement. Je me suis souvent retrouvé avec une série de clips stockés sur le micro, et que persone ne regardait, parce que trop brefs et fastidieux à utilser.
Depuis que youtube possède une fonction de restriction de l’ouverture aux moteurs de recherche, j’ai assemblé mes clips pour former des petits films, et je les ai téléchargés. Il y a ceux que j’ouvre au public, et d’autres qui constituent une cinémathèque privée de scènes de famille notamment. Ainsi il est facile de les diffuser, il suffit d’indiquer l’adresse web par mèl, et chacun peut les voir sans effort. De même les films ouverts au public peuvent être intégrés sur ce blog, et partagés dans le monde entier.
Je me suis rendu compte que dans les profondeurs de mes disques durs, je conservais des dizaines de petits clics, que je m’efforce d’assembler et de mettre en ligne. Avec la video, on se rend compte combien le passé proche est loin et irrattrapable, et combien ces scènes distantes de quelques années paraissent surgir d’un passé lointain et oublié. La photo vous permet de faire les questions et les réponses, la vidéo vous impose sa vie. C’est pour cela que les familles conservent les photos, et pas les videos, car la photo permet de transférer l’histoire familiale sans contradiction, mais pas la video, dont la vitalité vous saute aux yeux. C’est comme dans l’invention de Morel, un monde qui vous échappe, et qui semble indifférent à notre présence. Aucun discours ne semble pouvoir se surajouter à une video, et l’on ne peut y prendre la pose. C’est un témoin du passé, mais un témoin vivant.