L'axe Athène-La Haye passe-t-il par Berlin et Paris ?

Publié le 13 mai 2012 par Egea

La démocratie est aujourd'hui en butte à l'austérité. Cela s’observe beaucoup ces temps-ci en Europe. Mais ces tensions internes à l'Europe ont aussi des enjeux externes.

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1/ Tout d'abord, nous observons les métastases de la crise grecque, qui n'est plus seulement économique, mais désormais politique. Le résultat des dernières élections a donné une chambre ne permettant pas de constituer un gouvernement. Les partis qui acceptent les conditions d'austérité imposées par l'UE, le FMI et les autres prêteurs internationaux n'obtiennent pas de majorité, même avec une structure de grande coalition.

  • les électeurs ont voulu punir les deux pays "responsables" de la crise : c'est en effet leur gestion démagogique et corrompue qui a mené le pays là où il est. Avec une docilité consentante de la population, qui se venge sur ses élites d'erreurs que chacun a partagées.
  • le souhait est contradictoire : l'euro sans l'austérité. Ce qui semble inatteignable. Même si ailleurs en Europe, les radicaux de l'austérité commencent à admettre que l'austérité seule ne peut tout résoudre.
  • Cependant, les Grecs sont confrontés à Charybde et Scylla, la peste et le choléra.
    • Car s'ils restent dans la zone euro, ils poursuivent la récession jusqu'à ce que les purges permettent enfin de reconstruire une économie un peu équilibrée.
    • mais s'ils en sortent, ce sera pire : car la dévaluation ne permettra pas de regagner en compétitivité, puisque les Grecs ne produisent pas grand chose de monnayable... Bref, la récession en pire.

Quand on observe toutes les déclarations allemandes sur l'éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro (qui ne serait pas grave), les choses sont dites et les pressions on ne peut plus claires : L’Allemagne ne paiera pas.

2/ Par ailleurs, cette contradiction démocratique entre austérité et vote se retrouve, de façon moins paroxystique, aux Pays-Bas (cf billet). Certes, il y a eu un accord a minima pour voter un budget en attendant les élections à l'automne, mais les données paraissent similaires, avec des difficultés à constituer un gouvernement stable, et la possibilité d'une chambre ingouvernable.

3/ Les réactions à l'austérité se font jour ailleurs : qu'on pense aux manifestations en Italie, ou à la résurgence des indignados en Espagne. A chaque fois, on proteste à coup de vote ou de manifestations contre l'austérité, la rigueur, le chômage et la décroissance. Ainsi, il y a une sorte de tension entre les nécessités de l'austérité, et les vœux des populations. Autrefois, les gouvernements auraient cédé et accepté une sorte de laisser-aller. Ce n'est plus possible aujourd'hui.

4/ C'est pourquoi il est très probable que les Français et les Allemands vont trouver les moyens de négocier.

  • on ne renégociera pas le traité stricto-sensu mais on lui adjoindra un volet croissance, ce qui permettra aussi bien à Berlin qu'à Paris d'afficher sa bonne fois.
  • La France ne votera pas une règle d'or mais une loi pluriannuelle de finances publiques qui en tiendra lieu et permettra d'obéir aux règles du traité. Ce dont tout le monde se satisfera.
  • La BEI sera sollicitée, la taxe sur les transactions financières adoptée, et on trouvera un moyen d'avoir l'équivalent d'eurobonds qui n'en porteront pas le nom.

5/ Comme me le disait un de mes interlocuteurs ce week-end : on va avoir un deuxième festival de Cannes, avec plein de prises de vues et des acteurs qui joueront leur rôle, avec ce qu'il faut de dramaturgie pour que le public frissonne et accepte, finalement, les efforts qui seront nécessaires. Et puis on verra ce qui se passera cet été. ON devrait encore avoir un ou deux sommets "historiques".

6/ Est-ce aussi simplement désespérant ? En fait, l'enjeu doit s’apprécier à l'aune de la guerre financière entre les deux rives de l’Atlantique (voiri ici) : en sauvant l'euro, en démontrant qu'il peut marcher, on gagne des galons dans la bataille des dettes qui est aujourd'hui en cours. Les Américains n'ont jamais cru à l'euro, ce qui explique d'ailleurs en grande partie les objurgations des Krugman, Soros et autres Stiglitz. C'est d’ailleurs cette contrainte extérieure qui fait que l'austérité européenne est aujourd'hui incontournable. Le problème n'est pas seulement de suivre un "modèle allemand", c'est surtout de convaincre des créanciers internationaux (non-européens). Aujourd’hui, ils regardent plus l'Europe que les Etats-Unis. C'est peut-être injuste. Mais ce sont leurs créances.

Ce sont les nouveaux jeux de la puissance.

O. Kempf