“Tu es amoureuse de moi et c’est tout. Tu n’as besoin de rien d’autre. Tu n’as même pas besoin que je t’aime. Tu aimes être amoureuse et tu aimes la violence de tes sentiments. Le reste…”
Héloïse a une particularité : c’est un personnage féminin qui vit à mille à l’heure. Elle veut tout, tout de suite. Elle n’attend pas la maternelle pour s’enticher d’un coureur de bac à sable mais tombe amoureuse à cinq mois d’un médecin, ami de la famille, le Dr Lawrence Calvagh (nom signifiant “chauve” en irlandais, nationalité du docteur). La vie est courte, il ne faut pas en perdre une miette !
Très vite, le lecteur comprend que Lawrence est en fait un véritable Dom Juan, incapable de résister au charme féminin. Toutes les femmes de la famille de la petite Héloïse sont passées par son lit, voire sont tombées enceintes de lui. Evidemment Héloïse n’y coupera pas. C’est même elle qui encourage Lawrence à faire d’elle sa maîtresse, lorsqu’elle a 13 ans. Bien sûr, cela n’est pas sans rappeler le schéma (inversé) de Lolita, le fameux chef d’oeuvre de Vladimir Nabokov, d’ailleurs cité une fois dans le roman. C’est donc d’une histoire d’amour, hors normes, dont il est question, à la limite de la folie parfois, amorale pour Héloïse, qui se moque des lois et revendique une liberté totale, et immorale pour Calvagh qui rêve de coucher avec cette petite fille depuis qu’elle a 12 ans. Et c’est bien cela qui m’a mise mal à l’aise. Les termes très crus décrivant la sexualité entre cette pré-ado (certes très en avance pour son âge) et cet homme mûr sont, je le trouve, assez dérangeants.
Il est d’ailleurs parfois question de violence dans ce roman : les rapports entre les personnages sont loin de reposer sur une tendresse partagée. L’amour est passionnel, au sens étymologique. Héloïse, devenue photographe une fois adulte, met en scène des situations qui choquent le public en mêlant la représentation de la maladie, le souvenir de la Shoah… On trouve quelques réflexions intéressantes sur l’art et le beau / laid à la fin du roman.
En revanche, j’ai particulièrement aimé la langue employée par Emilie de Turckheim. Ses phrases ont quelque chose de la gourmandise, riches et pleines de saveur, à l’éclat, certes particulier, mais marquant. C’est donc avec plaisir que je lirai ses autres romans bien que celui-ci m’ait laissé un goût amer…
Billet rattaché au challenge amoureux de l’Irrégulière, catégorie “libre”.
Emilie de Turckheim, Héloïse est chauve, éditions Héloïse d’Ormesson