L'entracte arrive, et nous visitons la salle, une petite salle en bois avec un balcon,
L'endroit est charmant, paisible, souriant. Un petit paradis qui vient de s'offrir à nous.
Nous assistons donc à la seconde partie de Martha, merveilleusement placés par la dame qui appartient à la direction artistique de ce théâtre qui programme des opéras (Rossini, Mozart, Haendel, Flotow) des pièces de théâtre (Jakob Lenz), des lectures, des conférences (Peter Schreier). L'ensemble de la troupe et l'orchestre sont de l'Opernhaus Halle, qui se transfère pour l'occasion aux champs, Halle n'étant distante que de 35 km environ (et Leipzig d'une soixantaine). Quand on pense aux dizaines de petits théâtres de ce type en Italie (Vénétie, Emilie Romagne) qui sont de véritables bijoux, et qui sont fermés faute de politique culturelle digne de ce nom...
Tout de suite, ce qui frappe dans cette représentation, c'est son niveau de qualité: un orchestre vraiment au point, très dynamique, très précis dirigé par un jeune chef, Kevin John Eduseï, premier prix du Concours de direction d'orchestre Dimitri Mitropoulos, qui a aussi participé aux classes de direction de Pierre Boulez à Lucerne.
Le son est clair, peu réverbérant, la salle est à peu près pleine. La mise en scène, de Michael McCaffery, est discrète, dans ce petit espace, et joue sur les lumières, la vidéo, les jeux d'ombre et l'espace des balcons du théâtre, drapeaux anglais, projection de salle de théâtre, couleurs, et couleur locale, tout cela se déroule de manière fluide et sympathique. L'opéra comique est mondialement célèbre, et a été joué sur toutes les scènes du monde jusqu'à la seconde guerre mondiale, les grands mères amoureuses de l'opéra connaissaient toutes le grand air de Martha. Aujourd'hui, à part dans l'aire germanique, il a disparu des programmes des théâtres.
L'histoire est une sorte de marivaudage, deux jeunes filles, fatiguées de la vie de cour, décident de s'échapper et de se faire passer pour des servantes. Elles vont au marché de Richmond, sorte de marché de l'emploi, et sont "achetées" par deux jeunes paysans riches, Lyonel et Plumkett. On s'aperçoit vite qu'elles ne savent pas faire la servante, mais Lyonel tombe sincèrement amoureux d'Harriet (Martha), et Plumkett de sa confidente Nancy.
Harriet/Martha est bien légère et s'amuse de cet amour. Puis on découvre que Lyonel est le fils d'un noble banni, puis innocenté, et qu'il a sa place à la cour. Après quelques péripéties où Harriet/Martha joue un peu méchamment avec son soupirant, tout est bien qui finit bien: Harriet et Nancy tombent dans les bras de leurs amoureux. Le rôle de Martha exige un soprano bien aigu (Anneliese Rothenberger le chanta souvent) avec des notes très haut perchées que la jeune Marie Friedericke Schröder n'arrive pas toujours à négocier, mais le timbre est joli, la technique globalement maîtrisée, suraigus mis à part, le contrôle sur la voix et les notes filées bien assises. Nancy, mezzo soprano, est chantée par la jolie Sandra Maxheimer, qui domine très bien sa partie, le ténor australien Michael Smallwood, qui chante beaucoup de répertoire baroque, et qui appartient à l'Opéra de Halle, a un chant engagé, un joli timbre, une voix très bien posée, avec quelques problèmes dans les passages, mais très propre dans l'ensemble. Très jolie prestation du baryton basse islandais Ásgeir Páll Ágústsson en Plumkett au timbre agréable et à l'engagement scénique marqué, une couleur rossinienne! L'ensemble de la troupe, et le chœur s'en sortent avec tous les honneurs. J'eus volontiers assisté à l'ensemble, mais ma première Martha fut donc une moitié d'opéra. Merci donc à cette dame de nous avoir permis de passer un aussi bon moment, très vivant, avec une participation du public très forte, un enthousiasme marqué, un vrai plaisir d'être là. Un enchantement. C'est cela aussi la musique en Allemagne.