L’analyse statistique permet de retrouver dans des données les informations qui s’y trouvent cachées. Les Américains nomment ceci la Business intelligence, ce dernier mot ayant ici le même sens que dans "Intelligence Service", la recherche du renseignement. Ces techniques sont largement utilisées pour le marketing, dans la banque, la distribution et de nombreux secteurs économiques.
Lors d’élections, on s’emploie à déterminer quelles sont les caractéristiques des électeurs qui orientent leur vote dans un sens donné. On dispose pour cette recherche des cahiers d’émargement de l’ensemble des bureaux de vote. On y trouve, pour chaque électeur, ses nom et prénom, sa date de naissance, son adresse, et ses éventuels paraphes. Ceux-ci permettent de savoir, s’il s’est abstenu, s’il a voté aux deux tours ou à un seul d’entre eux et s’il a voté par procuration. Mais, du fait du secret du scrutin, une donnée capitale est absente, son choix.
On ne peut donc mettre en évidence l’influence, par exemple, de l’âge des électeurs, qu’en rapprochant les résultats de bureaux présentant des profils d’âge différents, tantôt surtout jeunes ou plutôt plus âgés. Comme il n’est guère possible, en trois jours, de collecter les données de quarante-six millions d’inscrits, les analyses déjà disponibles n’ont pu être menées que sur un échantillon réduit de bureaux, et leur valeur dépend fortement de la représentativité de cet échantillon.
Mais l’affirmation de Patrick Devedjian est encore infiniment plus contestable du fait de la caractéristique retenue pour sélectionner les électeurs retenus, la religion musulmane. En effet, sur les listes électorales, rien n’indique la religion des électeurs. Ceux qui dénoncent le communautarisme, chez les autres, entreprendraient-ils, pour mener leurs savantes investigations, de détecter les noms, et surtout les prénoms, « à consonance musulmane » ?
Si l’on se fondait sur ces critères pour identifier les Français « d’origine étrangère », ceux dits de souche se trouveraient peut-être minoritaires. Une autre technique aurait été de procéder par sondages à la sortie des urnes. Outre les doutes que l’on peut avoir sur la sincérité des réponses, se serait-on alors appliqué à repérer les électeurs « d’apparence musulmane », selon une autre formule chère à Nicolas Sarkozy ?
Ignorant les techniques statistiques ou probabilistes utilisées pour aboutir à la conclusion avancée par Patrick Devdjian, je suis tenté de comprendre ceci : on a émis l’hypothèse qu’il y aurait une relation entre le fait d’être musulman et la propension à voter pour François Hollande. Les valeurs observées révèlent qu’il y a une probabilité de 93% pour que cette hypothèse soit valide, ce qui établit l’existence de cette relation. Mais seuls des incultes aux intentions néfastes peuvent en inférer que la quasi-totalité des musulmans aurait émis un vote communautaire.