Syrie, de la Bosnie au Kosovo

Publié le 12 mai 2012 par Egea

En Syrie, les morts continuent de s'ajouter aux morts, dans une comptabilité qui a quitté les unes de la presse : comme si on s'habituait à tout. Et comme si l'absence "d'évolution" lassait. Ce qui est d'ailleurs la ligne stratégique du pouvoir syrien. Tenir.

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A certains égards, la situation fait penser à la fois à la Bosnie, et au Kossovo.

1/ Souvenez-vous, en Bosnie, de 1992 à 1995. La communauté internationale assista, impuissante, au déchaînement des factions armées, certaines régulières, d'autres pas du tout. On tenta bien tout un tas d'actions et de missions : FORPRONU (d'abord des observateurs, puis une force "d'interposition" qui avait des armes mais ne s'en servait pas), OSCE, UEO, et même OTAN. Mais au fond, on ne faisait rien et les armes parlaient. Officiellement, "on" ne pouvait rien faire, à cause de puissances mondiales qui s'y refusaient, ici les Américains, là les Russes. A regarder les choses froidement, on laissa les choses se faire. Comprendre : la purification ethnique s'installer, le tri des populations s'opérer, de façon à laisser chacun atteindre à peu près ses objectifs. Alors, alors seulement on agit : une force de réaction rapide franco-britannique, une conquête éclair de forces croates largement aidées par les Américains, l'Otan décidée à agir. Cela donna les accords de Dayton, suivis de l'engagement d'une force alliée, l'IFOR suivie de la SFOR.

2/ Le parallèle avec la Syrie tient aux arguments invoqués ("on ne peut rien faire") et au terme de l'événement : il semble désormais que contrairement aux révoltes arabes, le régime ne tombera pas à cause des manifestations. Le cycle syrien est un cycle de moyen terme, qui prendra des mois et peut-être une ou deux années.

3/ Quant au Kossovo, le débat portait sur la légitimité de l’intervention : fallait-il agir avec une légitimation de l'Onu, ou simplement par la grâce d'une légitimité humanitaire (porter secours à des populations massacrées) ? On se souvient des très grosses polémiques de l'époque ("c'est une intervention illégale").

4/ En Syrie, nous sommes face au même problème : pour éviter de refaire l’expérience kossovienne, l'ONU a inventé la "responsabilité de protéger" (R2P en bon anglais). Qui a servir à adopter la résolution 1973 en Libye, avec les résultats que l'on sait. Ce qui entraîne le blocage actuel de deux des membres permanents du CSNU, la Russie et la Chine (nous y reviendrons dans un prochain billet). Nous voici revenus à la case départ : faut-il intervenir "par motif humanitaire" même sans légitimité onusienne ?

Il se trouve qu'au fond, aucun des grands acteurs ne veut vraiment intervenir : ni l'Europe, ni les États-Unis. Ce qui fait une différence par rapport au cas kosovien. Et nous ramène au cas bosnien.

O. Kempf