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Dans le train, un mauvais journal m'apprend une grande nouvelle. Un éditeur russe aurait publié à 10'000 exemplaires le premier roman écrit par un ordinateur.
Une histoire d'amour, paraît-il. S'il avait un peu d'imagination ce serait peut-être une incestueuse aventure entre un geek et une carte mère... Mais d'imagination, il n'en aurait guère dit-on : la première version de son texte ne racontait pas d'histoire. Par contre il a du style: on lui a fait bouffer Dostoïevky et Tolstoï.
Dans 1984, le film, un passage m'avait frappé. On y voyait un cul énorme, mais ééééénorme, surmonté d'une ménagère pendant du linge qui chantonnait. L'héroïne demandait au héros comment il pouvait être touché par cette chanson qui avait été écrite par un ordinateur.
Je ne me souviens plus de sa réponse, mais il pouvait.
Sur le site internet du journal, répondant à un sondage, plus d'un lecteur sur cinq pensait que les écrivains pourraient disparaître au profit du logiciel.
L'espace d'un instant, je serais presque tenté de penser comme eux : Il ne m'arrive pas souvent d'être stupéfait par la puissance imaginative d'un auteur. Il y avait Borges, il n'y a pas si longtemps. Une dizaine d'année plus tôt, Pennac m'avait surpris aussi: un bouc émissaire professionnel, c'était une belle idée. Mais sinon, le plus souvent ce qui m'émeut, ce sont quelques phrases, quelques mots glissés là on ne sait comment et qui, tout à coup, éveillent en moi les clameurs de l'irréel, les appels du large. Oh, bien souvent, je m'imagine que l'auteur n'a pas fait exprès de mettre ces mots, précisément à cet endroit. (Même si j'écris suffisamment pour savoir que ce n'est jamais un hasard, que les auteurs lisent en leurs propres textes milles analyses que le plus scolastique exégète ne trouvera jamais.) Je passe souvent à côté de l'important pour me perdre avec d'indécentes délices dans les méandres du détail, précisément là ou niche un certain bondieu...
Revenons. Sans doute, un ordinateur pourrait difficilement être à l'écoute de son époque avec le recul critique nécessaire pour en digérer, en chier du littéraire qui se la raconte, mais cette petite anecdote à tout de même un mérite. Celui de nous rappeler que le paragon n'est peut-être pas si loin. Eh oui parallèlisons les arts, soyons positifs comme dans le tant où l'on croyait pouvoir percer des murs en les frottant de couleurs. Parmi les crises que la littérature a traversé ces dernières décennies, il en fut de toutes sortes, mais il n'en fut point - que je sache (mon ignorance bée)- de duchampienne.
Et si cet ordinateur était le Marcel Duchamp de la littérature ? Celui qui nous dirait qu'en définitive, ce sont les lecteurs qui font les livres.
Boum
Qu'en pensez-vous ?
De la littérature de chiotte ?