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Au début étaient les croyances. L’homme s’est toujours angoissé devant l’incompréhensible. Pour conjurer ses peurs, il a inventé ses Dieux. Depuis toujours, l’homme ne supporte pas l’incompris et se tourne invariablement vers le sacré pour trouver les explications qui lui manquent. Avec le temps, ses explications surnaturelles se sont sophistiquées et elles ont fourni le terreau des religions depuis la préhistoire et l’Antiquité. Se protégeant de toutes parts et contre tous les hasards, les hommes se sont entourés d’une multitude de créatures divines construisant une véritable généalogie foisonnante et une histoire divine. L’idée d’un Dieu unique n’est apparue localement que lentement pour aboutir au monothéisme juif, berceau des autres religions du Livre. Pour ces religions, Dieu avait un projet, celui de placer l’homme au centre de sa création, donc du monde. Cette croyance a structuré la physique et la philosophie pendant des siècles. Dès l’Antiquité (Thales de Milet -625, Anaximandre -610, Anaximène -528, Aristote -384, Hipparque -190, Ptolémée +90) le monde était géocentrique, c’est-à-dire que la Terre, berceau de l’Homme, était au centre d’un monde qui tournait autour d’elle donc autour de lui. Puis la science a accumulé des connaissances et mis à jour de nouvelles vérités qui ont, peu à peu, rejeté l’homme hors du centre de la création jusqu’à en faire un accident cosmologique et évolutionniste. Bien entendu, cela ne pouvait se faire sans que la religion, se sentant menacée, proteste et résiste vigoureusement, parfois sauvagement. Ainsi, en 1600, Giordano Bruno est brûlé vif pour avoir émis l’hypothèse que le centre du monde était non pas la Terre mais le Soleil, hypothèse reprise par Galileo Galilei en 1633 qui fut obligé de renier ses convictions pour sauver sa vie. Mais le mouvement était engagé de façon irréversible. Le géocentrisme était mort pour que vive l’héliocentrisme. Ensuite vinrent Copernic (1473) et Thyco Brahé (1546). Ce dernier observe longuement le ciel et note précisément ses observations qui vont devenir un matériau précieux pour les astronomes à venir et qui vont permettre de nouvelles descriptions de l’Univers, en particulier celles de Kepler (1571) et de Newton (1643). Il devint évident que le Soleil n’était pas unique mais n’était qu’une étoile similaire à toutes celles que l’on pouvait observer. Puis l’observation du monde devint de plus en plus précise et profonde. Le Soleil devint alors une étoile perdue au sein d’une galaxie de 100 milliards d’étoiles, accompagnées par une centaine de milliards de planètes et portant un coup fatal à l’image de l’Homme au centre du monde. La place de l’homme devenait périphérique au monde, sur une petite planète dérisoire. La situation empira lorsque Hubble (1889) observa que l’Univers comptait environ 100 milliards de galaxies. A ce stade, si l’on considère la probabilité pour qu’autour de certaines de ces innombrables étoiles gravitent des planètes similaires à la notre, celle-ci n’est pas nulle entraînant comme conséquence immédiate que la vie existe ailleurs, mais tellement loin de nous que nous ne pourront jamais en être certains. L’homme n’est peut-être pas seul mais il est isolé sur un grain de poussière perdu dans le Cosmos. L’Homme devient insignifiant. Et voilà que la science persiste dans la désacralisation de l’homme. Hubble, Einstein (1879) et Lemaître (1894) démontrent que l’Univers tel qu’on le voit n’est pas éternel mais qu’il a une histoire et qu’il n’a pas été créé en 7 jours mais qu’il a fallu 13,7 milliards d’années pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. La recherche actuelle et centrale en physique, aujourd’hui, est la quête d’une théorie « du tout », conciliant la physique quantique et la relativité générale. Une des démarches actuelles se nomme « gravitation quantique à boucles ». Elle fait émerger une idée nouvelle d’un espace discontinu, composé d’atomes fondamentaux et expliquant l’origine de notre Univers comme un rebond d’un Univers précédent qui se serait effondré en amont du notre. Ceci n’est qu’une conjecture mais est aussi une conséquence d’un modèle physique de gravitation relativiste qui peut être mis à l’épreuve de l’expérience. Ainsi, après le geocentrisme, l’héliocentrisme, le galactocentrisme, c’est au tour du cosmocentrisme d’être pulvérisé. La conséquence est que l’homme et son monde ne sont au centre de rien ! Mais la croyance dans un rôle particulier de l’homme a subi un autre choc. L’ouvrage « L’Origine des espèces » de Charles Darwin paraît en 1859 et explique l’évolution par la sélection naturelle. Cette théorie a évoluée jusqu’à aujourd’hui mais son postulat de base reste toujours inchangé. Ainsi, l’homme n’est pas une création ex-abrupto mais le résultat d’une lente évolution dans laquelle le hasard a toute sa place. Nous avons notre origine première dans l’apparition des cellules eucaryotes dont un descendant est le picabia, modeste poisson ayant échappé de justesse à la disparition. L’homme n’est qu’une petite branche d’un arbre de l’évolution extrêmement touffu et devient un accident de cette évolution, résultat des changements de l’environnement. Aujourd’hui, les biologistes soupçonnent que le hasard est partie prenante dans le fonctionnement de la cellule elle-même et devient donc un facteur de l’évolution. L’Eglise, qui voit son emprise sur les esprits des hommes, est, bien entendu, farouchement opposée à cette vision et, après avoir condamné Darwin, elle condamne aussi Pierre Teilhard de Chardin en 1924 qui dénie au mythe du péché originel toute réalité. L’esprit religieux ne supporte pas que l’homme soit devenu un pur produit accidentel de l’évolution au sein d’une histoire cosmologique qui considère notre monde et notre présence dans ce monde comme une péripétie. Aujourd’hui, les églises sont relativement silencieuses mais elles ont trouvé un relai menaçant dans les adeptes du « dessein intelligent » et du « créationnisme ». Les tenants du dessein intelligent soutiennent que les conditions physiques nécessaires à l’apparition de la vie sur notre planète sont tellement précises qu’elles ne peuvent être le fruit du hasard mais sont dues à la volonté d’une intelligence supérieure. Puisque l’homme n’est pas une création divine mais naturelle, c’est une volonté « divine » qui est la cause des conditions initiales nécessaires qui devaient conduire à l’homme (S. Meyer en 1988). Seule une intelligence supérieure peut avoir donné naissance à la complexité du monde et du vivant. Aujourd’hui, des physiciens de renom sont des apôtres de cette croyance, tel Trinh Xuan Thuan. Le créationnisme est encore plus réactionnaire en combattant vigoureusement la théorie de l’évolution et en considérant le Darwinisme comme une hérésie. C’est une doctrine religieuse fondée sur la croyance selon laquelle la vie, la Terre, et par extension l’Univers, ont été créés par Dieu, selon des modalités conformes à une lecture littérale de la Bible. C’est une croyance qui oublie l’existence de Tumaï, ancêtre de l’homme actuel et âgé de 7 millions d’années et qu’il est donc incompréhensible que Dieu ne se soit préoccupé du sort de l’Homme qu’il y a deux mille ans, considérant de grandes civilisations antérieures comme négligeables ! Le danger de cette croyance est qu’elle existe dans le monde entier, particulièrement aux Etats-Unis et dans le monde musulman. L’histoire des religions montre que celles-ci se sont toujours opposées aux découvertes scientifiques et il est angoissant de constater que l’obscurantisme s’étend à nouveau sur le monde. Enfin, devant l’insignifiance de l’homme qui ressort de notre compréhension de plus en plus précise des lois de la Nature, la question qui se pose est bien celle du sens de la vie humaine. A quoi peut bien servir, d’ailleurs, de se poser cette question lorsque l’on prend conscience que l’on est le résultat d’une évolution hasardeuse, perdu sur un minuscule grain cosmique tournant autour d’une petite étoile au sein d’une galaxie de 100 milliards d’autres, galaxie accompagnée elle-même d’une centaine de milliards de compagnes formant un Univers parmi un nombre inconnu d’autres mondes parallèles à jamais inaccessibles ? Pourquoi y aurait-il un Dieu se préoccupant d’une telle insignifiance ?