C'est l'élément de langage à la mode dans le monde médiatique et politique : le vote FN est l'expression d'une souffrance. Qu'on se le dise, les 6 400 000 Français qui ont choisi un bulletin Marine Le Pen, l'ont fait parce qu'ils souffrent. Grand bien leur fasse ! Mais au fait, quel est leur mal ? De quoi souffrent-ils ?
La réponse est facile me direz-vous, ils souffrent du chômage, de la crise, de la pauvreté. Ah bon ! Mais alors, comment explique-t-on que les départements les plus sinistrés dans ces domaines, la Seine-Saint-Denis, le Val-de Marne et tous les DOM-TOM sont aussi ceux où Mme Le Pen fait ses scores les plus bas ? Comment explique-ton également qu'elle réalise des scores impressionnants dans les campagnes alsaciennes ou sur la Côte d'Azur, régions qui sont loin d'être sinistrées ?
Est-ce dire alors que les 82 % qui n'ont pas choisi le vote FN ne subissent pas eux aussi la crise économique et ne peuvent donc pas être déclarés en "souffrance" ? Evidemment non, parce que la crise n'est qu'un prétexte, le vrai mal dont "souffrent" ces millions de Français là a un nom : il s'appelle le racisme. Le dénominateur commun qu'ont tous les électeurs frontistes, c'est qu'ils approuvent au moins un point du programme FN : le volet immigration. C'est le rejet de l'autre, la peur de l'Islam qui est leur ciment commun.
Considérer que le vote FN n'est que l'instrument d'une colère, c'est légitimer ce vote, mais c'est aussi prendre ces électeurs là pour des imbéciles. Celui qui choisit le bulletin Marine Le Pen sait lire un programme, il sait parfaitement ce qu'il fait. Il sait quelles sont ces positions sur les immigrés, les musulmans. En faisant ce choix pour exprimer sa colère, plutôt que celui du Front de gauche, du NPA voire de l'abstention ou du vote blanc, il sait parfaitement qu'il valide des thèses xénophobes et dangereuses, et en faisant cela, il les approuve. L'électeur FN ne souffre pas, il est raciste !
Par contre, il est une souffrance dont il serait bien que l'on parle un peu, c'est celle de ces dizaines de millions de personnes qui ne sont pas racistes, qui n'ont jamais voté pour le FN, n'y ont même jamais pensé et que les coups de butoir de l'extrême-droite rendent à chaque fois un peu plus malades.