La relance de la croissance selon François Hollande, qu’en penser ?

Publié le 12 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

Si je ne crois pas aux mesures de Hollande, je me réjouis quand même que la croissance soit enfin revenue au cœur du débat public, économique et social. Il nous a cruellement manqué ces temps-ci. 

Par Karl Hosse.

Un des grands thèmes de la campagne présidentielle française de François Hollande fut (et sera une priorité de sa présidence) la relance de la croissance au niveau européen.

Je ne peux que me féliciter de cette approche, nous avons en effet besoin de croissance pour faire face aux défis qui nous attendent et éviter un déclin généralisé de l’Union Européenne. De même, aucun pays ne peut aujourd’hui s’imaginer, en Europe, mener une politique économique, budgétaire et sociale isolée. Un certain nombre de pays l’espèrent encore, je pense qu’ils ont tort.

Mes pistes de croissance, je les ai déjà développées de ci de là au fil de mon blog, je ne vais donc pas m’appesantir dessus ici. Je vous propose de passer en revue les deux – trois mesures concrètes de François Hollande et d’en discuter ensemble.

Les Mesures de François Hollande

Pour ce faire, je me suis penché sur:

En préambule, je reprendrai la déclaration de Hollande dans Slate:

L’économie de l’offre n’est pas séparable d’une stimulation plus directe de la demande. Non pas avec les formules keynésiennes d’autrefois : les moyens ne peuvent être des dépenses publiques supplémentaires, puisque nous voulons les maîtriser, ni des allègements fiscaux, qui nous sont interdits.

Bref, une relance sans dépenses et sans réduction de charges. L’équation est simplement impossible. Si vous n’avez pas plus d’argent disponible à injecter dans l’économie réelle, vous ne pouvez le faire sans vous endetter… Demander en période de crise aux acteurs économiques privés de s’endetter me semble juste un tout petit peu suicidaire mais passons.
Seulement voilà… François Hollande dit au final tout et son contraire. Quand il nous dit qu’il ne peut pas augmenter les dépenses publiques, il ment…vu que c’est effectivement ce qu’il compte faire par le biais de :

  • l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement,
  • la mobilisation des fonds structurels,
  • la levée de l’emprunt par l’Europe : ce sont les «eurobonds» ou des «project bonds», en clair de l’endettement.

Quand il dit dans son interview que les allègements fiscaux lui sont interdits… c’est faux. Si un allègement fiscal procure un revenu supérieur à l’État, il peut… Différentes théories économiques et faits économiques plaident d’ailleurs en ce sens : moins d’impôts, pour mieux d’impôts, plus juste et mieux collectés. De plus, quand il annonce qu’il ne fera pas d’allègement fiscal… il contredit son projet présidentiel où il proposait :

Je favoriserai la production et l’emploi en France en orientant les financements, les aides publiques et les allégements fiscaux vers les entreprises qui investiront sur notre territoire, qui y localiseront leurs activités et qui seront offensives à l’exportation. À cet effet, je modulerai la fiscalité locale des entreprises en fonction des investissements réalisés.

Outre le fait que cette forme de préférence nationale ne plaira pas forcément à ses voisins européens, il s’agit ici non d’un projet de croissance « européenne » mais une forme de protectionnisme franco-français. Je note aussi que les allègements fiscaux sont bien au programme (par le biais de taux d’imposition des sociétés différentiés) ainsi que les dépenses publiques par les aides et les subsides. Comprenez que je m’en réjouis… mais que je ne parviens pas à trouver de cohérence dans les propos du président élu.

Jusqu’ici, je ne trouve par ailleurs aucune mesure concrète de relance de la « croissance européenne ». On les retrouve finalement dans son projet présidentiel mais sans grand détail… Sa première mesure au niveau européen étant par ailleurs de protéger les agriculteurs (ce qu’il qualifie pourtant de « défi des années 60″) et le secteur de la pêche… français (of course). Les mesures de relance ?

  • Création d’eurobonds (endettement quelque part garanti par l’Allemagne),
  • de grands projets d’avenir (comprendre une politique de grands travaux comme on en fit dans les années 70-80 avec l’endettement que nous payons toujours 30 ans après ?),
  • la mise en place de barrières commerciales à l’entrée de la zone économique européenne (j’avouerai que contrairement à beaucoup de libéraux, je trouve cette proposition sensée et l’ai défendue (mars 2008) dans le passé pour rétablir une forme de concurrence saine et équilibrée).
D’autres mesures concrètes ? Une vision ? Des propositions ? Aucune. AU-CU-NE. Je suis d’accord que ce sont des mesures européennes qui doivent être collégialement négociées, mais quand on va à une négociation, on y est préparé, on a des propositions à défendre, on laisse filtrer certains ballons d’essais. Les mesures lancées ici par François Hollande ne sont simplement pas crédibles, ni nécessaires, ni suffisantes pour relancer une quelconque croissance. Il ne fait qu’appliquer de vieilles recettes keynesiennes déjà appliquées dans les années 70-80 avec les résultats que l’on connaît.

Les Actes

Il me reste à me pencher sur les actes et décisions déjà posés par François Hollande pour espérer y trouver des pistes de croissance…

Une relance de la croissance par l’engagement de… 60 000 fonctionnaires. La croissance, n’en déplaise au Président Élu, ce ne sont pas les fonctionnaires qui l’apportent mais les travailleurs et investisseurs privés. 60 000 fonctionnaires, autant de dépenses publiques supplémentaires à financer.

Un blocage des prix carburants… Les marchés internationaux ne s’en inquiètent pas, leur prix restera le même, il faudra donc que le gouvernement français finance la différence… dépense publique (ou réduction de recette) donc et pour un effet limité au niveau économique. Le gouvernement appliquerait cette mesure en modulant la TIPP qui deviendrait flottante. Ceci réduit les recettes de l’État, je ne bouderai pas mon plaisir en vous disant que malgré tout, c’est réjouissant même si je pense que c’est ineffectif au niveau économique.

Hausse généralisée de l’imposition. Heureux Français, vous aurez quand même un bouclier fiscal. L’État ne pourra pas vous prélever plus de 85% de vos revenus toutes taxes et impôts confondus. Notez que même la mafia n’a jamais osé vous offrir sa protection pour un tel montant…

Refiscalisation des heures supplémentaires. Nicolas Sarkozy les avait défiscalisées avec le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». François Hollande revient sur cette mesure qui coûtera chère aux entreprises et pour les salariées ce n’est pas un bon signal d’après moi. Pour assurer la production, il faudrait donc engager plus… mais sous statut précaire ?

Plafonnement et suppression de niches fiscales, mesure saine s’il en est mais qui devrait avoir un objectif plus large, plus profond de simplification de la fiscalité pour être réellement efficace. La problématique des niches reste toujours la même : on met des niches en place qui ne profitent qu’à certains à cause d’une fiscalité trop lourde. Une simplification de la fiscalité et son allègement général conjugué à la disparition des niches permettrait un gain substantiel pour l’État, une transparence accrue et une probabilité de relance plus grande.

Suivent les mesures « sur les riches »… elles ont un succès certains… auprès des agents immobiliers belges et suisses qui ont vu leur carnet de clients français augmenter significativement ces dernières semaines. Elles ont aussi réjoui les propriétaires immobiliers de ces mêmes pays qui voient les prix de leurs biens augmenter…

Bref… des mesures de croissance ? 

La croissance malheureusement ne se décrète pas par une loi. C’est comme le cancer, si une loi interdit le cancer, et bien le cancer, il s’en fout. Par contre mettre en place les circonstances, les événements, les éléments générateurs de croissance, ça, c’est un vrai défi. Et, peut être me trompé-je, je ne suis pas convaincu que l’augmentation de la fiscalité et de la dépense publique soient les signaux que l’on peut attendre pour relancer la croissance. Les autres mesures du projet (en même temps, lesquelles ? Si on peut m’éclairer, malgré mes recherches, à part deux trois mesurettes, je n’ai rien trouvé)… À mon grand regret, et nous pouvons en débattre, j’estime qu’elles ne sont génératrices d’aucune croissance, pire, elles ne garantissent même pas le maintien du statu-quo.

Mais, si je ne crois pas aux mesures de Hollande, je me réjouis quand même que la croissance soit enfin revenue au cœur du débat public, économique et social. Il nous a cruellement manqué ces temps-ci. Il me reste à espérer qu’on va réellement, pour une fois, envisager la croissance sous l’angle de l’augmentation de la liberté d’entreprendre, d’engager (et de licencier), de réussir, et d’investir dans l’économie sans être vu comme un profiteur, un criminel fiscal ou un exploiteur de travailleurs.


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