Ce vendredi 11 mai, avec une journée de retard sur la date officielle pour cause d'agenda, la commémoration de l'abolition de l'esclavage a été célébrée ce soir à Gisors en présence d'une cinquantaine de personnes. Aux côtés d'Odile Simonet, Présidente de l'association FAAACE et de Jean-Luc Lecomte, Conseiller régional de Haute-Normandie et candidat Front de Gauche sur notre circonscription, j'avais la charge de cette cérémonie. Après avoir déposé une gerbe et respecter une minute de silence, le film "La controverse de Valladolid" était proposé. Voici mon discours d'ouverture de la cérémonie :
Mesdames, Messieurs,
La municipalité de Gisors a décidé, avec l’association FAAACE, il y a 6 ans, d’inscrire l’abolition de l’esclavage, sur sa liste des cérémonies officielles, marquant ainsi un peu plus son attachement aux libertés individuelles et collectives et son combat mené sans relâche contre toutes formes d’entraves et de tortures, quelles qu’elles soient.
L'abolition de l'esclavage a été proclamée une première fois en France pendant la Révolution, à l'initiative de l'abbé Henri Grégoire le 4 février 1794. Malgré l'opposition, les conventionnels mettent en œuvre le principe révolutionnaire selon lequel « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Par la loi du 20 mai 1802, le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, annule ces dispositions, autorisant à nouveau l'esclavage dans les territoires français d'outre-mer concernés. Bonaparte agit notamment sous la pression des planteurs et de la bourgeoisie de commerce des ports qui font valoir que la libération des esclaves ruinerait les colonies françaises.
Le deuxième décret de l'abolition de l'esclavage en France a été signé le 27 avril 1848 par le Gouvernement provisoire de la deuxième République. Bien évidemment, Victor Schoelcher qui était sous-secrétaire de la Marine et des Colonies de ce gouvernement aux côtés de Dupont de l’Eure, président du Conseil des Ministres, usa de toute son influence et de sa force de conviction pour convaincre ses pairs. L'acte français d'abolition de l'esclavage est le résultat, comme on l’observe, d'une longue gestation commencé avec la Controverse de Valladolid en 1550.
Célébrer, comme nous le faisons aujourd’hui, le courage et la victoire de Victor Schoelcher, sur la bêtise et la déshumanisation ne doit pas nous détourner d’une vigilance quotidienne et accrue face à ce qui est appelé cyniquement de nos jours, l’esclavage moderne.
En effet, dans un récent rapport, Human Rights Watch constate que la violence ainsi que des conditions proches de l’esclavage existent toujours dans de nombreux pays, concernant principalement les abus contre les travailleurs domestiques, sur tous les continents, Europe et France comprise.
Qu’est-ce d’autre que l’esclavage que d’embaucher au noir des travailleurs sans papiers ?
Qu’est-ce d’autre que l’esclavage que de loger par dizaines des familles dans des locaux insalubres ?
Et qu’est-ce d’autre aussi que l’esclavage que de jeter à la rue des milliers de travailleurs et leurs familles, sous le prétexte inique et unique de la spéculation boursière ?
Le 6 mai dernier, une page s’est tournée et le nouveau président de la République, François Hollande, a réservé sa première sortie officielle pour la célébration de l’abolition de l’esclavage, en déclarant vouloir « donner un message de rassemblement autour de nos mémoires et de ce qu'est notre Histoire ».
Il a raison et comme lui, je pense que se rassembler autour de la Mémoire et de l’Histoire constitue bien, au-delà du devoir, une partie des clefs de notre République apaisée.
La liberté, la dignité, des femmes et des hommes, de toute couleur, de tout continent, de toute obédience, politique ou religieuse, de toute condition sociale, ne se négocie pas. C'est pourquoi, les valeurs défendues par Victor Schoelcher raisonnent du même idéal que celles du 11 novembre, du 14 juillet ou du 8 mai.
Elles s’appellent, dans le multiculturalisme français et républicain de ce début du XXIème siècle, à Gisors comme sur tout le territoire : Liberté, Egalité, Fraternité.