Chez moi, la musique c’est un peu comme le temps, comme mon humeur ou comme les amours de Carla Bruni, ça change, au mieux du jour au lendemain, au pire d’une heure à l’autre. Dimanche matin, par exemple, je me lève, je la bouscule pour qu’elle me prépare mon petit déjeuner, et là j’ai envie d’écouter un bon vieil album de Renaud. Un qui sent bon la java, le tango, les loubards du XIVème arrondissement, ces albums où l’accordéon enchante les coeurs des souris et des apaches. Et pourtant, un heure plus tard, après une bonne douche, je suis tout à fait capable de coller un disque d’AC/DC dans ma chaine, la seule a avoir droit au qualificatif de haute fidélité. Je suis comme ça, que veux tu ? Lunatique, disent certains. Non, plutôt insatiable, insatisfait permanent. La preuve, je refuse de me coucher avec la femme à coté de qui je me suis levé le matin même. D’où, il est vrai, une certaine difficulté à vivre avec moi. Au mininum, si il s’agit de la même femme, je la veux brune le matin et blonde le soir. Merde, c’est la moindre des choses, non ? Un peu d’imagination, diantre. « Tiens, chéri, pour ne pas que tu t’ennuies ce soir, j’ai amené ma copine Cassandra, elle a très envie de jouer avec nous … débouche nous donc une bouteille de champagne! »
Heureusement que ma chronique n’attire pas les foules, j’imagine les lecteurs me prenant au sérieux, pensant que je suis totalement dingue, macho et égocentrique, alors que bien entendu, c’est faux. Je suis bien pire que cela. Mais sur la tête aux boucles dorées du petit communiant qui, avec ses culottes courtes laissant apparaître de mignons petits genous, déclencheraient l’angelus, pour peu que la soutane du prêtre soit en bronze, l’audience relative de mes articles m’évite pareil procès.
Me voilà donc libre de me lâcher totalement, sans peur de la censure, sauf celle de ma pudeur, cette salope qui m’a empêché l’autre jour de coucher avec la sublime femme de mon pôte, qu’il ne mérite pas d’ailleurs et la veille, d’assumer librement mon irresistible attirance pour sa mère.
Mais venons en à mon humeur du jour si tu le veux bien ? Nous ne sommes pas ici pour se rincer l’oeil, se mouiller les chasses sur mes libidineuses digressions mais plutôt pour parler musique. Alors allons-y.
Parfois un seul élément, une vision, une sensation, un souvenir qui revient subitement à la surface de l’océan de ma mémoire, comme c’est écrit dans les bouquins en conserve qui se vendent à l’entrée des supermarchés (non, je n’ai pas cité de nom, je n’ai pas cité Musso ou Levy), cette étrange impression disais-je provoque chez moi une soudaine envie d’une musique particulière.
Et là, je regarde par la fenêtre. Je vois la pluie tomber d’un ciel sombre et bas comme un cul de nonne, pour venir se fracasser sur le béton froid et humide. Les cimes des platanes en face semblent danser au rythme d’une musique langoureuse. Déjà, les oiseaux ont quitté ce perchoir devenu trop capricieux pour s’en aller vers des pays imbéciles où jamais il ne pleut. Putain, il pleut encore, merde, pas possible de sortir faire prendre l’air à mon cerbère. Lui aussi, résigné, couché sur sa pouf (ndlr: ce n’est pas une coquille, le molosse est bien assis sur une pouf) Lui aussi, disais-je semble fatigué de ce déluge interminable, ne paraît pas décidé à mouiller ses énormes oreilles dans l’eau froide du caniveau.
C’est alors que je pense à lui. Petit retour en arrière. L’album date de 1998. A l’époque, l’auteur a été considéré comme un petit prodige puisqu’il n’affichait que 17 ans au compteur. Il s’agit de Jonny Lang et la galette en question se nomme ‘Wander This World’.
Un disque blues/rock où le funk, la soul et la pop viennent montrer le bout de leur nez. Mais avant tout, ce qui frappe d’entrée, c’est la voix surprenante de Jonny Lang, une voix éraillée qui semble avoir parcouru déjà plusieurs centaines d’années. On pense à Joe Cocker, à tous les vieux bluesman à la voix érodée par le mauvais whisky et les cigarettes de contrebande. Du haut de ses 17 berges, le gamin fait preuve d’une maturité incroyable renforcée par un jeu de guitare épileptique. Les notes jaillissent de sa Telecaster comme le diable derrière une bonne âme.
Le disque débute par un morceau où d’emblée, le jeune surdoué donne le ton de l’album, la voix déchire le mixage, les choeurs rhythm ‘n’ blues donnent une coloration soul à l’ensemble, bref comme disent les jeunes: ça calme.
Le titre de cette chanson étant « Still Rainin’ », tu comprendras aisément ce qui m’a amené à chercher ce disque dans ma collec’.
Avant de terminer mon article, je tiens à envoyer par le biais du Graoully, tous mes voeux à Renaud, le maître à écrire, qui fête ce vendredi ses soixante ans. Alors, Renaud, je te souhaite un très bon anniversaire et nous attendons avec impatience de pouvoir de nouveau te lire ou mieux encore, de pouvoir t’écouter.
Voilà pis c’est tout.
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