Vous souvenez-vous de Marcel Zanini, ce chanteur inimitable avec son look un peu barjo de Français moyen (moustaches, grandes lunettes et canotier multicolore vissé sur la tête) qui devint célèbre en 1970 du jour au lendemain en adaptant en français la chanson brésilienne Ne vem que não tem devenue Tu veux ou tu veux pas, et dont, depuis, on n’entend guère parler (de la chanson comme du chanteur) ? Il y a trois ans, je l’ai rencontré dans le fameux bar-club de jazz marseillais Le Pelle-Mêle, fondé par Jean Pelle en 1979. Ce soir-là, jouait un trio avec, tenez-vous bien, deux très grands du jazz, Aldo Romano à la batterie et Jean-Baptiste Trottignon au piano (je ne me souviens plus qui jouait à la contrebasse), et Marcel Zanini était venu en ami, en enfant du pays, puisqu’il est lui-même marseillais, et en jazzman aussi, puisqu’il a entonné quelques morceaux, chant et clarinette, pas prévus au programme, ce qui faisait en tout trois stars pour un public restreint occupant moins d’une dizaine de tables, s’il-vous-plaît !
Pendant la pause, à l’extérieur sur le trottoir de la place des Huiles, je dis à Marcel Zanini qu’il n’avait pas du tout changé. Ce n’était pas une flagornerie de ma part car, de fait, c’était exactement le même homme, les lunettes, la moustache, le chapeau, pas une ride, la même silhouette, le même regard facétieux, le même humour décontracté dans les yeux. Il avait pourtant 84 ans. Il me répondis alors avec malice : “Eh bien ça veut dire que je faisais déjà vieux en 1970 !”. Et, comme j’ignorais jusqu’à ce jour qu’il n’avait pas été qu’un chanteur de variété en vogue, je lui dis sur un ton interrogatif que finalement, au départ, il avait été un musicien de jazz. Et Marcel Zanini de me répondre avant de regagner la salle enfumée du Pelle-Mêle : “Et à l’arrivée aussi !”