Le phénomène Mélenchon, suite et fin ?

Publié le 11 mai 2012 par Alex75

Il conviendrait, à l’issue de cette élection de revenir brièvement, sur l’une des surprises de cette élection, la 4e place de Jean-Luc Mélenchon, avec seulement 11,1 % des voix. Mais pour le candidat que l’on annonçait autour des 15 %, voire devant Marine Le Pen – l’autre grande figure populiste du 1er tour -, dans le rôle du père en 2002, la retombée est dure. Il a du mal à le digérer, et cela dit on le comprend parfaitement. Son talent exceptionnel en aura légitimement fait la vedette de cette campagne du 1er tour. Et il se trouve ainsi fort mal récompensé. Il est vrai, qu’il avait un peu fini, par se laisser étourdir par les sondages, pris un certain temps, par un succès militant dépassant, qui le faisait grimper, comme un cycliste dopé gravissant la côte, à une étape de montagne du tour de France.

Il s’était mis à rêver qu’il battrait Marine Le Pen. Elle l’a écrasé. « Front contre front », plastronnait-il, mais c’est le sien qui a cédé. Même si sa candidature, aura peut-être grignoté, émietté d’1 à 2,3 % (?), l’électorat, la base électorale de sa grande rivale. Mélenchon était le candidat autoproclamé de la classe ouvrière, mais elle est éclatée, et les ouvriers n’ont pas voté pour lui. Son offensive musclée contre le Front national, ne lui a pas rapporté d’électeurs, mais l’a également rapproché, de « ces gens parfumés », comme il dit, et qu’il déteste. Ces « bo-bos » libéraux, ou même Laurence Parizot, la patronne du Medef. Paradoxalement, elle l’a banalisé, rendu conformiste. Il fut le tribun de la République, plus que le tribun du peuple. Son discours de Marseille et son ode au métissage, adressé à « ses frères du Maghreb » – Mélenchon, il convient de le rappeler, étant né à Casablanca et ayant passé son enfance au Maroc -, a été également, dans une approche sémantico-idéologique, le début de sa dégringolade dans les sondages.

En l’ignorant, en partie, l’électorat populaire lui a signifié, qu’on ne pouvait pas à la fois tenir un discours ouvriériste et un discours anti-raciste de gauche, à la « Touche pas à mon pote », parler comme feu Georges Marchais, et parler comme SOS Racisme. On est l’avocat du peuple, ou celui des « bo-bos ». Dans une approche électorale populiste, on ne peut être que le candidat de la France rurale et péri-urbaine, qui souffre réellement de la mondialisation et de l’immigration, ou le candidat des habitants des grandes métropoles, qui sont intégrés à cette mondialisation. Le front de classe des vieux marxistes, ou la nouvelle alliance des femmes et des enfants de l’immigration, chère à Terra Nova. Mélenchon n’a finalement eu, ni l’un, ni l’autre. « Qui embrasse trop, mal étreint ». Oui, Mélenchon, s’est avéré le champion d’une classe moyenne intégrée, avec ses plus de 11 %, plutôt masculine et diplômée, fonctionnaire ou cadre moyen, qui ne supporte plus l’arrogance des nouvelles aristocraties financières.

C’est le paradoxe Mélenchon. Géographiquement, il n’hérite même pas des anciennes places fortes du PCF, au nord ou à l’est de la France. Il réalise ses meilleurs scores, dans le grand Ouest ou au Sud-Ouest, comme les socialistes de F. Hollande. Leurs électorats des deux candidats sont indifférenciés, géographiquement, sociologiquement du socialiste. Il est son brillant second, il l’accompagne, sans le savoir. Il recueille des électeurs socialistes, qui jugent qu’Hollande n’est pas assez à gauche. En 2002, Lionel Jospin avait des rivaux autrement plus dangereux. Olivier Besancenot et Arlette Laguiller, lui reprochaient d’avoir capitulé devant le capitalisme, Chevènement d’avoir bradé la France, sur l’autel de l’Europe.A eux trois, ils totalisèrent plus que Jospin, au 1er tour de 2002. Ce n’est pas le cas de Mélenchon, avec Hollande. Il permet seulement au total gauche, d’être plus élevé qu’en 2007. Mais toujours moins qu’en 1981, qu’en 88. Il était donc contraint d’appeler sans condition, à voter contre Sarkozy. Ces électeurs l’auraient fait sans demander leur autorisation. Il est leur chef. Mais en réalité, cet électorat ne lui appartient pas, alors il les suit.

   J. D.