Love you long time

Publié le 11 mars 2008 par Gaspard_w

S’il avait plu, j'aurais pu cacher mes larmes. Mais il faisait beau et elle a posé une main
sur mon épaule et m'a dit "je t'aime" froidement sans le penser. Je lui ai dit "je t'emmerde"
et elle a souri et c'était plus dur que tout le reste.
Quand elle est partie, j'ai regardé le sol longtemps, j'ai attendu de disparaître et puis,
comme ça ne venait pas, je suis rentré chez moi.

J'ai lancé Lou Reed aussi fort que possible. J'ai bouché toutes mes fenêtres avec des sacs
poubelles, j'ai allumé des bougies. J'allais vivre comme ça, loin du monde, loin des gens.
C'était l'apogée de ma révolte. 
Finalement  j'ai eu peur de foutre le feu, peur de déranger mes voisins, alors j'ai coupé
la musique et laissé entrer la lumière. J'ai mis un plat de macaroni au micro-onde que j'ai
mangé en regardant les infos. Je ne me suis pas senti mieux.
Le téléphone a sonné une première fois à vingt et une heure puis huit fois ensuite,
c'est à dire qu'il a bien fallu que je décroche.

C'était Mitch pour me dire que la fête était essentielle. Il a dit "la fête est essentielle"
et puis il a dit que c'était celle de l'année au moins, que tout le monde était là, que les filles
étaient bonnes et qu'il était prévu que tout le monde se baise sous peu. J'ai dit "non, je viens pas"
en cherchant mes clés de moto.

Un type a sauté dans un cercle en feu, le dj a mis les Pixies et le temps que j'aie bu assez
de bière pour profiter de la fête, tout le monde s'était baisé sans moi et la salle était vide.
J'ai dit "c'est nul", Mitch a fait oui de la tête et a continué d'aspirer la langue de la fille à côté de lui.
J'ai dû insister.
- C'est vraiment nul !
Mitch c'est tourné vers moi, les yeux bouffés par la fatigue.
-Tu veux bouger ?
C'est un peu ce que j'avais en tête alors j'ai dit "Par exemple".
-Je connais un endroit bien. Il a dit.

Une créature en maillot de bain rose a fini de se frotter contre une barre en métal accrochée
au plafond et j'ai pensé que la barre devait être bien propre maintenant. Je me suis senti con,
j'ai voulu commander un verre mais une Thai m'as attrapé par le bras
-Toi beau garçon, je t'aime longtemps, toute la nuit, je t'aime longtemps.
Elle s'est collée à moi, si près que j'ai senti les coutures de ses vêtements à travers les miens.
-Elle est sympa, elle.
Mitch m'a regardé en souriant et il a dit "mille bath". J'ai souri mais sans comprendre,
il l'a remarqué et a repris.
-Je viens toujours à cette heure-là, c'est les soldes, celles qui restent, toutes à mille bath.
Alors fais- toi plaisir et si tu te sens, t'en prends deux !
J'ai souri à la fille contre moi, "je t'aime longtemps" elle a répété. J'ai fait le tour de la salle,
les danseuses sur leur barres chromées, un vieux type chauve plaquant sa tête contre le décolleté
d'une gamine hilare, une table de billard sur laquelle personne ne jouait mais où on avait installer
des oreillers, et puis tout autour des filles fixant la route, tirant la gueule et hurlant au passage
de la première moto conduite par un homme.
Je me suis posé contre le bar et j'ai demandé une vodka-sprite et j'ai dit "dans un verre en plastique s'il vous plaît".
-Pourquoi plastique ?
J'ai pris une pause, jeté un dernier coup d'oeil à Mitch endormi sur le ventre d'une des entraîneuses,
j'ai dit "c'est pour emporter" et j'ai payé.