Il sera très difficile à François Hollande de balayer d’un revers de main tout ce qu’il aura fait miroiter au peuple de gauche, qui l’attend au tournant. Les investisseurs internationaux, ceux dont la France dépend pour financer sa dette, ne manquent pas de se poser des questions à ce sujet.
Par Fabio Rafael Fiallo.
En France, les conditions semblent réunies pour une déroute qui ne serait pas sans rappeler, toutes proportions gardées, l’échec subi par les ambitions napoléoniennes à Waterloo. Sauf que, cette fois-ci, la scène se déroulerait, non pas sur le terrain politico-militaire, mais sur celui de la finance, et partant, de l’économie en général.
On peut en effet déceler une triple similitude entre la situation de 1815 et celle d’aujourd’hui.
Tout d’abord, de même que le gouvernement des Cent-Jours avait essayé d’imposer ses prétentions à toute l’Europe, faisant fi d’un rapport de forces qui lui était fort défavorable, ainsi la gauche qui s’apprête à accéder au pouvoir en France a fait croire au long de la campagne électorale qu’elle serait à même de faire infléchir la position de Mme Merkel et qu’une France aux prises avec une dette publique et des déficits budgétaires insoutenables peut maintenir un État providence et des rigidités dans le marché du travail qui font office de véritable boulet.
Les promesses électorales du nouveau président français allaient toutes dans ce sens. Retour à la retraite à 60 ans pour certaines catégories, taxation confiscatoire des gros revenus, création de 60.000 postes dans l’Éducation nationale, refus de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, autant de promesses capables d’aggraver les déficits publics, d’inciter à la fuite des capitaux et, in fine, d’amener les marchés financiers à demander des intérêts plus élevés pour les obligations de l’État français.
Bien sûr, il ne s’agit que des promesses électorales. Et les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Bien sûr, aussi, le président élu entend demander un audit dont le résultat servira d’argument, ou de prétexte, pour dire que la situation financière de la France ne permet pas d’honorer dans l’immédiat les engagements de campagne. Bien sûr, enfin, en bon disciple de François Mitterrand, qui amorça le virage de la rigueur deux ans après son entrée à l’Élysée, le nouveau président pourrait tenter de faire pareil, peut-être même bien avant deux ans (d’aucuns lui donnent seulement six mois).
Tout de même, il sera très difficile à François Hollande de balayer d’un revers de main tout ce qu’il aura fait miroiter au peuple de gauche. Les syndicats, puis un Front de gauche fort de son score au premier tour des élections présidentielles – et avec lequel le parti du président devra composer lors des élections législatives – l’attendent au tournant.
Les investisseurs internationaux, ceux dont la France dépend pour financer sa dette, ne manquent pas de se poser des questions à ce sujet. Ainsi, dans une interview accordée à Europe 1, George Soros prévient que les marchés financiers pourraient attaquer la dette souveraine de la France après le second tour, ce qui implique une hausse des taux d’intérêt exigés à l’État français. De même, pour la Bank of America, la France est, parmi les grands pays d’Europe, celui qui derrière l’Espagne présente le plus de risque de mauvaise surprise en 2012. (L’heure de vérité pourrait arriver en septembre, lors de la présentation du projet de budget).
Corollaire : Eurex, un consortium de banques allemandes, lança en pleine campagne électorale un produit financier spéculatif qui – telle une police d’assurance – permettra aux détenteurs d’obligations de l’État français de se couvrir au cas où la France viendrait à ne pas pouvoir rembourser ses emprunts dans les montants et délais convenus.
Or, à l’annonce de ce produit, M. Hollande y vit un affront et demanda à la chancelière allemande d’en interdire l’émission.
Agissant de la sorte, le candidat qui avait déclaré avoir comme adversaire le monde de la finance semblait ignorer que, grâce à l’existence d’un tel produit, les investisseurs seraient plus enclins à prêter à la France puisqu’ils auraient désormais le moyen de se protéger d’une crise de la dette souveraine de ce pays. Pis encore, il pensait qu’il suffisait d’interdire la création du produit incriminé pour faire disparaître les craintes autour de la solvabilité de l’État français.
On arrive ainsi à la deuxième similitude entre la situation actuelle et la débâcle de 1815 : comme lors des guerres napoléoniennes, il y aurait des bouleversements au niveau européen.
En effet, si les taux d’intérêt appliqués à l’État français montaient de manière significative – comme Soros et la Bank of America, entre autres, commencent à le prévoir – alors la France pourrait avoir besoin de l’aide du Fonds européen de stabilité financière. Elle passerait ainsi de sa condition actuelle de deuxième bailleur de ce fonds (après l’Allemagne) à celle de demandeur de crédit.
Une telle mue serait impraticable : l’Allemagne n’a ni la volonté politique ni les moyens financiers pour venir, à elle seule, au secours de la dette souveraine des autres pays de l’Union, et en tout cas pas d’une dette aussi considérable que celle de l’État français. Le fonds cesserait alors d’exister, ce qui déclencherait une pression considérable sur les obligations d’État des pays de la zone euro et pourrait se conclure par l’éclatement de la zone euro dans sa configuration actuelle.
La troisième et dernière similitude entre le Waterloo de 1815 et celui qui se profile à l’horizon concerne la Suisse, petit pays qui pourrait tirer profit de la nouvelle donne comme elle le fit de la déroute napoléonienne.
Rappelons que ce fut suite au Congrès de Vienne que Genève devint un canton à part entière de la Confédération helvétique, sa surface s’étant en outre enrichie de communes avoisinantes que la France dut alors céder. Avec la crise de la dette souveraine française en perspective, Genève, en fait la Suisse tout entière, aurait à accueillir, non pas de nouvelles communes, mais des fortunes et des talents de l’Hexagone désireux de s’installer, pour prospérer, dans des environnements moins convulsionnés.