C’est seulement trois jours après son installation à l’Élysée que François Hollande devra se rendre aux États-Unis, pour le G8 à Camp David les 18 et 19 mai puis pour le sommet de l’Otan les 20 et 21. Alors que Nicolas Sarkozy avait tâché de réparer la fracture transatlantique, l’incertitude grandit devant les mesures politiques et économiques préconisées par François Hollande.
Par Emmanuel Arthault.
Publié en collaboration avec l’Institut Coppet.
En 2007, Nicolas Sarkozy s’était rendu aux États-Unis, avait joggé dans les rues de Manhattan et déjeuné dans le ranch texan de la famille Bush. Il avait alors refusé d’attendre l’élection de Barack Obama pour montrer qu’il entendait bien mettre un terme aux relations difficiles avec l’Amérique.
Rapidement, le 7 novembre 2007, Sarkozy annonçait au Congrès américain son souhait de voir la France réintégrer le commandement de l’OTAN. Alors que Sarkozy soulignait l’existence d’une « famille occidentale », la droite avait alors regretté le manque de fibre gaulliste du Président. Pourtant, il serait bon de rappeler à ce propos la position du Général de Gaulle, à juste titre soulignée par Christian Lambert dans Les 4 Vérités:
[Le Général] voulait pour la France l’un des quatre grands commandements opérationnels de l’Otan, celui de la Méditerranée, le seul attribué à un Européen, et que les Américains avaient préféré donner à un Anglais. Pour obtenir ce commandement, de Gaulle a fait du chantage : la France aurait ce commandement ou sortirait de l’Otan. Il a perdu et, comme il avait du caractère et de l’orgueil, il est sorti de l’Otan. Mais qui peut croire un seul instant qu’il n’y serait pas resté s’il avait obtenu ce commandement ?
Le parti socialiste, alors dirigé par François Hollande, avait protesté. Celui-ci a cependant assuré Washington qu’il ne remettrait pas en cause cette décision — une manière bien politique d’admettre à contrecœur que Sarkozy avait raison. Car ce dernier a peut-être réussi à faire ce que le Général n’avait pas été en mesure de réaliser : la France a augmenté le nombre d’officiers en poste au sein de l’organisation Atlantique à 1250, dont 17 généraux, et a pris le contrôle de deux commandements militaires, l’Allied Command Transformation (à Norfolk aux États-Unis) et le Joint Command Lisbon (au Portugal).
Quelquefois moqueurs du Président durant les cinq dernières années, les commentateurs américains n’en n’ont pas moins été impressionnés par son talent diplomatique, lors de la crise géorgienne en 2008 alors que les chars russes étaient à 40km de Tbilissi, comme pendant l’intervention en Libye. Le journal conservateur The Weekly Standard avait alors salué d’un « Vive Sarkozy ! » son action décisive.
Mais aujourd’hui, les commentateurs américains semblent plus inquiets. François Hollande compterait en effet annoncer au prochain sommet de l’OTAN, qui aura lieu à Chicago deux semaines après le second tour, un retrait prématuré des troupes françaises d’Afghanistan.
Par ailleurs, au plan économique, l’Amérique se trouve tributaire de la stabilité européenne. Si les économistes ont bien souvent été critiques, par exemple lorsque Sarkozy avait envisagé vouloir « moraliser le capitalisme », ils craignent aujourd’hui un bouleversement dans le tandem franco-allemand. Ainsi Desmond Lachman, de l’American Enterprise Institute, écrivait-il que , « la dernière chose dont la crise de la dette européenne a besoin maintenant, ce sont des événements politiques déstabilisants« , alors que la situation s’aggrave déjà en Espagne et en Italie.
Le risque de déstabilisation politique pourrait de surcroît être renforcé par les souhaits de François Hollande : au-delà de propositions fiscales délirantes, le candidat socialiste voudrait en effet que les politiques européennes soient davantage axées sur la croissance — dont l’intervention de la bureaucratie bruxelloise se révélerait sans doute être la clé. Bien sûr, l’administration Obama réclame depuis des mois aux Européens un plan de relance digne ce nom, ce à quoi Sarkozy et Merkel se refusaient. Hollande pourrait donc lui apporter satisfaction mais, pour les États européens, il pourrait s’agir là d’un abandon supplémentaire de souveraineté et de liberté économique lourd de conséquences.
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Un article du Bulletin d’Amérique, un projet de l’Institut Coppet.