Analyse de la crise à venir en s’appuyant sur les crises passées

Publié le 10 mai 2012 par Copeau @Contrepoints

L’euro, de fait n’est rien d’autre qu’un « DM exchange standard », le rôle de l’Allemagne étant pour la zone euro celui qu’avait le dollar dans le vieux système de Bretton Woods. Une légère différence saute cependant aux yeux.

Par Charles Gave.
Article publié en collaboration avec l’Institut des Libertés.

Au XIXe siècle, les cycles économiques se passaient toujours en quatre étapes :

  • D’abord venait la période d’expansion, engendrée par un phénomène tout simple : la rentabilité du capital investi était supérieure au coût du capital et donc tout le monde investissait. L’expansion était très forte, tirée par un fort accroissement du crédit bancaire. Ces périodes d’expansion duraient en général cinq à sept ans, comme dans la Bible (les vaches grasses)
  • Tous ces investissements déclenchaient, avec le passage du temps, une baisse de la rentabilité marginale du capital, ce qui est inévitable. Un jour les marchés se rendaient compte que la rentabilité était en train de passer en dessous du coût du capital. À ce moment-là, se déclenchait la phase dite de « panique » où le prix des actifs s’écroulait à toute allure. Pour faire simple, les prix des actions et de l’immobilier tombaient en chute libre. Comme beaucoup de gens avaient emprunté pour acheter des actions, des machines ou de l’immobilier, des appels sur marge avaient lieu, ce qui entretenait la baisse qui s’accélérait. Bien des banques faisaient faillite, ce qui réduisait la masse monétaire et déclenchait des phénomènes déflationnistes qui rendaient l’ajustement encore plus difficile… En général, ces baisses duraient neuf à douze mois et l’on perdait facilement la moitié de son argent…
  • Quand tous les gens en position spéculative avaient été soigneusement essorés, comme plus personne ne voulait emprunter, les taux d’intérêt courts s’écroulaient et une forte hausse se produisait dans les marchés financiers, sur l’idée que le pire était passé. Cette hausse durait en général entre neuf et dix-huit mois.
  • Elle était suivie par le vrai désastre que les spécialistes de l’époque appelaient « la dépression secondaire » qui elle pouvait durer entre trois et cinq ans. À l’origine de cette dépression secondaire, une réalité toute simple. Le coût du capital était certes très bas, mais la rentabilité du capital était souvent devenue négative compte tenu des surcapacités créées pendant la période d’expansion, chacun produisant à perte en espérant tenir plus longtemps que les concurrents, ce qui prenait pas mal de temps comme chacun peut s’en douter.

Ce cycle, « 1 euphorie, 2 panique, 3 soulagement, 4 dépression » a marqué l’histoire économique durant tous les débuts du capitalisme, le cycle dans son ensemble prenant entre dix et douze ans pour se dérouler.

Cette mécanique infernale, résultat tout à fait logique de l’étalon or, fut cassée après la deuxième guerre mondiale par l’arrivée du « Dollar exchange standard » (Bretton Woods), puis ensuite par l’acceptation par tout un chacun des taux de change flottants.

En cas de crise, les USA qui disposaient et disposent toujours de la monnaie de réserve étaient toujours d’accord pour imprimer de l’argent et vivre au dessus de leurs moyens et qui plus est, ceux qui avaient exagéré pouvaient toujours dévaluer (en cas de change fixe avec le dollar, France Août 1971) ou laisser leurs monnaies se casser la figure (Asie 1998) pour rétablir leurs équilibres. Le prix à payer (Il n’y a pas de repas gratuit, disait Milton Friedman) fut un accroissement du rôle de l’État et une dérive inflationniste, variable mais toujours présente de 1946 à nos jours.

Ce que je veux décrire aujourd’hui ce ne sont pas les vicissitudes du système des paiements internationaux depuis 50 ans, mais comment les génies qui ont présidé à la création de l’Euro nous ont reconstruit un système similaire à celui de l’étalon or et comment cette ânerie gigantesque dont les peuples d’Europe payent tous les jours le prix nous a ramené les « dépressions secondaires » qui avaient disparu de l’histoire économique depuis un peu moins d’un siècle.

L’euro, de fait n’est rien d’autre qu’un « DM exchange standard », le rôle de l’Allemagne étant pour la zone euro celui qu’avait le dollar dans le vieux système de Bretton Woods. Une légère différence saute cependant aux yeux : les USA acceptaient et acceptent toujours d’avoir des déficits de leurs comptes courants et donc fournissent de la liquidité au monde. Vivre au dessus de leurs moyens n’a jamais vraiment jamais gêné nos cousins d’Outre Atlantique.

L’Allemagne en revanche, est un pays profondément mercantiliste dont l’économie est gérée pour engendrer sans fin des excédents extérieurs. Si les autres pays ont un déficit, eh bien c’est de leur faute, ils n’ont qu’à faire comme les Allemands, avoir un excédent extérieur. Chacun se rend bien compte que tout le monde ne peut pas avoir des excédents en même temps, mais voila qui ne vient pas à l’esprit de Madame Merkel. Une autre solution serait que l’Allemagne continue à prêter de l’argent aux autres peuples pour qu’ils continuent à acheter des produits teutons, chacun se spécialisant dans ce qu’il fait le mieux, les citoyens du sud consommant au soleil tandis que les allemands travaillent dans les brumes.

Pour des raisons de pur égoïsme, les allemands ne veulent pas en entendre parler.

Ne reste donc pour les autres pays qu’à contracter leur demande interne et à se payer récession sur récession, ce qui nous ramène à notre sujet de la dépression secondaire qui commence à frapper l’Europe

Prenons l’Espagne par exemple et analysons ce qui s’y est passé dans le domaine économique depuis un peu plus de 10 ans :

1. Les taux très bas (conséquence de l’euro) créent un boom immobilier qui dure de 2002 à 2008 (nos 7 ans de vaches grasses).

2. La phase de panique se déclenche en 2008 après la faillite de Lehman Brothers et dure à peu près 9 mois. Le marché des actions baisse de plus de 50% sur ses plus hauts.

3. Les banques centrales écroulent les taux courts. Avec l’effondrement des taux courts, nous avons un solide rebond sur le marché des actions qui remonte de 66% (ce qui le laisse quand même beaucoup plus bas qu’en 2007… merveille de l’arithmétique !)

4. Mais horreur, les prix de l’immobilier continuent de baisser tant la construction passée a été excessive. Le pays rentre à l’évidence dans une «dépression secondaire», déjà fort visible en Grèce, ou au Portugal.

Dans le passé, la peseta aurait été dévaluée et les Allemands se seraient précipités pour acheter la partie des Baléares qu’ils ne possèdent pas encore, mais cette voie de sortie est bloquée par l’euro. Comme le coût du travail est trop élevé, les exportations ne se développent guère et les investissements venant de l’extérieur se tarissent. Le déficit budgétaire explose.

Comme la faillite guette, plus personne ne veut prêter à nos voisins d’outre Pyrénées (et surtout pas l’Allemagne) et donc, compte tenu de la taille des déficits à financer, qui de plus s’aggravent, les taux espagnols montent, en pleine dépression, plongeant le pays dans une trappe à dettes qui ne peut avoir d’autre sortie que la faillite.

L’Espagne en pleine dépression secondaire a donc perdu tous les moyens de s’ajuster. L’Espagne qui en est déjà à 25% de chômeurs et 51% de sans-travail chez les moins de 25 ans va donc continuer à s’enfoncer, comme la Grèce, comme l’Italie et comme bientôt la France.

Voila qui est inévitable et qui n’est que la conséquence logique de l’euro.

Un mot d’espoir pour finir : les dépressions secondaires sont souvent marquées par des révolutions ou des émeutes qui sont rarement favorables à la paix civile ou au remboursement de la dette mais qui permettent de virer les incompétents qui sont à l’origine de la situation et donc de redresser la situation. À quel moment va-t-il y avoir – enfin – une révolte contre la tyrannie eurocratique, bien malin qui pourrait le dire. Par contre, il est tout à fait certain que la révolte des peuples européens contre cette soi-disant élite que personne n’a jamais élu et qui nous impose un projet dont personne ne veut plus, n’est plus très loin.

Les élections françaises et grecques en sont un signe annonciateur…

Reste donc à attendre l’arme au pied (c’est-à-dire avec son argent en dehors d’Europe), que les peuples du vieux continent reprennent le contrôle de leurs destinées, pour le meilleur ou pour le pire et que ce faisant ils enlèvent le pouvoir aux technocrates incompétents pour le redonner aux citoyens.

Voila qui ne saurait tarder. Le plus tôt sera le mieux.


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