Comme l’a dit si justement Der Spiegel, les Français ont eu le choix entre un homme qu’ils ne voulaient plus – Sarkozy – et un homme qu’ils ne voulaient pas vraiment – Hollande.
Par Alex Korbel, Bruxelles, pour Contrepoints.
Comme Sarkozy, Hollande est favorable à une économie dirigée par l’État, à un protectionnisme modéré, à la conservation des privilèges et du corporatisme et à une intégration européenne approfondie.
Un portait de François Hollande
François Hollande, ancien fonctionnaire, a dirigé le Parti Socialiste pendant 11 ans, mais il aime à cultiver l’image d’un Français moyen, contrastant avec le style tape-à-l’œil du Sarkozy des débuts. Quand Hollande dine avec des capitaines d’industrie, c’est en toute discrétion.
La plate-forme électorale de Hollande est issue de la vieille école socialiste, appelant à un taux d’impôt marginal de 75% sur les revenus supérieurs à 1 million par an, un salaire minimum plus généreux et une retraite à 60 ans pour ceux qui ont travaillé assez longtemps. Il veut créer 150 000 emplois subventionnés pour les jeunes dans les quartiers difficiles, 60 000 nouveaux emplois dans l’Éducation nationale et la justice et 5 000 dans la police. Il promet de réduire la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français de 75% à 50% d’ici 2025.
Ces dépenses supplémentaires de 20 milliards d’euros seront financées par des augmentations d’impôt. Pour revenir à un déficit zéro en 2017, il doit trouver 100 milliards d’euros : 50% viendront de baisses de dépenses de l’État, 50% de recettes fiscales supplémentaires.
L’état de la France
La France est écrasée sous une montagne de dette publique, une perte de compétitivité, un système démocratique bloqué et une société en dépression.
La France reste la cinquième économie mondiale, mais plusieurs indicateurs clignotent. La France a le ratio le plus élevé des dépenses publiques de la zone euro: 57% de sa production économique est contrôlée par l’État.
En 2011, le déficit public a atteint 103 milliards d’euros, la dette publique 1700 milliards d’euros soit 85,8% du PIB. Ce pic ne découle pas seulement de la crise financière et économique. Il est l’héritage d’une incapacité longue de 38 ans à contrôler les finances publiques : le pays n’a pas eu un budget équilibré depuis 1974.
Le pays a déjà perdu son triple A et, bien que sa situation n’est pas comparable à celle de la Grèce ou l’Espagne, la hausse des taux d’intérêt sur ses obligations souveraines ne ferait qu’accentuer la crise de l’euro.
La situation préoccupante du pays n’a pas été abordée sérieusement durant la campagne électorale. Aucun des candidats n’a proposé de réduire substantiellement les dépenses de l’État et de libéraliser le logement, les soins de santé, la retraite, les transports, le commerce, l’éducation, le syndicalisme, l’énergie ou le système financier.
Une société bloquée, un peuple en dépression
Personne ne semble comprendre que les problèmes auxquels le pays est actuellement confronté – une société fermée, hiérarchique, embourbée dans une culture du conflit d’intérêts, le chômage, l’ascenseur social en panne, la sclérose économique, le corporatisme d’État, les inégalités en matière d’éducation, la violence, la méfiance généralisée – sont la conséquence d’un État interventionniste, pénalisant le succès, étouffant la société civile, le dynamisme et l’innovation. Ce système n’a pas été conçu par les immigrés ou par le capitalisme anglo-saxon mais bien par les Français des années 1950 et conservé jusqu’à aujourd’hui.
Les Français sont aussi plus dépressifs, prennent plus de médicaments (et pas seulement parce que la sécurité sociale est plus généreux qu’ailleurs), se suicident plus souvent que dans les pays où le niveau de revenu est comparable. Oui, les Français sont râleurs, mais c’est parce qu’ils ressentent un profond malaise à vivre ensemble, issu d’une situation où la seule façon d’envisager un avenir meilleur passe par le vol de son voisin.
La calculatrice et le globe terrestre
François Hollande sera obligé d’affronter tout cela, surtout le problème du déficit public. Les marchés obligataires seront plus vigilants que les électeurs français. Hollande aura besoin de se défaire de certaines de ses promesses et découvrira le pouvoir de négociation de la chancelière Angela Merkel quand il s’agit de discipline budgétaire.
Peut-être Merkel offrira-t-elle à Hollande une calculatrice et un globe terrestre lors de leur première rencontre. Le temps est à l’orage, il éteindra les illusions électorales.