On ne risquait évidemment pas de l’oublier : l’hypothétique «aéroport international du Grand Ouest», alias Notre-Dame-des-Landes, dossier empoisonné, est déjà sur le bureau du Président élu de la République, avant même la formation du nouveau gouvernement. Grèves de la faim, défilés de tracteurs, manifestations en tous genres, NDDL fait face à une opposition qui n’a jamais faibli au fil des années. Et cela malgré un décret d’utilité publique daté du 10 février 2008, le choix d’un exploitant (Vinci) et une concession d’une durée de 55 ans. Puis, aujourd’hui, un prudent arrêt sur image, moratoire qui devrait faciliter la tâche de Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, député de Loire-Atlantique et chef de file du groupe PS à l’Assemblée nationale, défenseur acharné de NDDL. Il est ministrable, voire premier ministrable et les amis de François Hollande se devaient de lui retirer au plus vite ce caillou dans la chaussure.
Rien n’est résolu pour autant. On comprend l’agitation qui est survenue cette semaine mais, dans le meilleur des cas, le moratoire déplace le problème sans le résoudre, mis à part le fait qu’il sauve peut-être la vie de grévistes jusqu’au-boutistes. Sachant qu’Ayrault défendait NDDL au-delà du raisonnable, si ce n’est contre toute logique.
Le dossier, pour autant que l’on tente d’élever le débat, constitue une nouvelle caricature de la vie politique, dans tout ce qu’elle peut avoir de détestable. Un certain Jean-Louis Borloo, à la grande époque du Grenelle de l’environnement, avait décrété que la France ne construirait plus de nouveaux aéroports, que le moment était venu d’arrêter une dangereuse fuite en avant grande productrice de CO2. On sait que tout cela fut bien vite oublié !
Nantes n’en constitue pas moins un cas plus épineux qu’il n’y paraît à première vue. Le premier projet est né, au début des années soixante, d’une idée technocratique à la limite de la stupidité, créer en Bretagne un grand aéroport international destiné prioritairement à Concorde. En d’autres termes, les passagers se préparant à traverser l’Atlantique à Mach 2 auraient perdu plus de temps à rejoindre l’aéroport qu’ils en auraient gagné grâce à l’avion supersonique franco-britannique. Puis, après d’autres épisodes sans intérêt, en 1970, une mission parlementaire revint d’un voyage d’étude aux Etats-Unis avec l’idée de faire de Nantes/Saint-Nazaire «le Rotterdam aérien de l’Europe», c’est-à-dire un grand aéroport international voué au fret aérien. Vatry avant Vatry, en quelque sorte.
Tout cela est oublié. Mais l’aéroport actuel, Nantes Atlantique, n’en reste pas moins localisé à l’opposé de l’emplacement que supposerait la logique météorologique. D’où les très nombreux survols de la ville à basse altitude, le seul argument digne d’intérêt du dossier. Avec seulement 3 millions de passagers par an, toute notion de saturation est en effet exclue, avec ou sans Borloo. Autre sujet de perplexité, l’annonce de la construction de NDDL pour 556 millions d’euros, une enveloppe budgétaire qui situe l’opération bien en-deçà de la notion la plus optimiste de concept low cost. Etonnant !
Quoi qu’il en soit, Borloo est parti mais Europe écologie-Les Verts est toujours là, qui campe sur son petit 2% de voix aux élections présidentielles et, bien entendu, ne veut pas entendre parler de NDDL. Une deuxième bonne raison pour tirer Ayrault d’un mauvais pas alors que les trois coups du prochain quinquennat présidentiel n’ont pas encore retenti.
Il en résulte une première tout à fait inattendue, l’apparition de la politique aéroportuaire française dans la «grande» actualité, et cela pour une raison qui n’en vaut peut-être pas vraiment la peine. Le Président élu demande qu’il y ait discussion et concertation. En attendant, grues et bulldozers resteront au garage.
Pierre Sparaco-AeroMorning