Hier, l'Académie Française, noble institution s'il en est, a finalement rejeté la candidature de Gérard Collard, fondateur avec Jean Casel de la Librairie La Griffe Noire à Saint-Maur.
Les lecteurs réguliers du blog connaissent les liens qui m'unissent à la Griffe Noire et à Jean Casel et Gérard Collard. J'ai travaillé longtemps dans leur librairie. Ce qui était passionnant (et ça l'est toujours) c'est qu'à la Griffe Noire vous venez pour un livre (même un Marc Lévy) et le libraire vous fait repartir avec un autre livre qu'il a découvert et qu'il veut vous faire passer. Les clients reviennent ravis. Une relation se crée et certains clients disent "merci". Merci ? Oui merci de leur "avoir redonné goût à la lecture".
Avec Jean et Gérard, nous avons tissé des liens d'amitié et de confiance. Voilà donc d'où je parle en écrivant ce billet.
Quand Gérard Collard a annoncé son intention d'être candidat à l'Académie Française, tout le monde a cru à une blague potache. Mais le message qu'il a porté durant cette élection et qui lui a permis d'être invité dans tous les médias (Inter, Ruquier, LCP etc...). Que disait-il ? Une chose simple que l'on a tendance à oublier : le libraire est un maillon crucial et essentiel de la chaîne du livre. Il est celui qui fait vivre le livre qui le met en avant, qui le découvre, qui le prescrit de manière directe au lecteur potentiel. Or dans la fameuse chaîne du livre entre l'auteur, l'éditeur, le diffuseur, le critique, le seul qui n'est pas reconnu à sa juste valeur est le libraire.
Voilà en substance le message que portait Gérard Collard en se présentant à l'Académie Française. En effet, pourquoi l'Académie serait peuplée de journalistes, d'écrivains, de musiciens et non de libraires qui font autant pour le livre ?
La question devait être posée. Elle l'a été avec brio. Que chacun y réfléchisse. Les écrivains ne vivent-ils pas grâce aux libraires ? L'amour de la lecture ne se transmet-il pas aussi grâce à ce libraire qui après vous avoir fait lire un roman d'aventures pour enfant va vous orienter sur l'Attrape-cœurs, puis sur "le sac de billes", avant de vous aiguiller vers un peu de BD, de SF, des classiques (parce qu'il en faut) pour finalement vous emmener vers Chuck Palahniuk et tant d'autres auteurs qu'il faut avoir goûté au moins une fois dans la vie ?
Sans libraires indépendants comme ceux de la Griffe Noire (et ailleurs aussi), vous ne découvririez pas autant de livres. Faites l'expérience une fois. Prenez le Monde des Livres, le cahier Livres de Libération, Marianne, l'Obs, le Point, l'Express, et les Inrocks, deux livres chroniqués sur trois sont les mêmes dans chaque journal. Circulation circulaire. Le libraire est là pour nous faire faire un pas de côté et nous faire sortir du cercle. Voilà son rôle crucial et essentiel. Un rôle qui mérite largement une place à l'Académie Française. Gérard Collard retentera sa chance. Un mouvement est lancé, il ne s'arrêtera pas.
En bonus la candidature expliquée par Gérard Collard lui-même.