Dans le roman The Dreamers de Gilbert Adair, comme son destin semblait d’être porté de manière poignante et magistrale sur grand écran par Bernardo Bertolucci en 2003, le cinéma est un des grands protagonistes. Concrètement le cinéma dans le contexte de mai 68 et le rôle que la mythique Cinémathèque française d’Henri Langlois joua dans la formation des plus brillants de deux ou trois générations, luisant d’un incomparable talent à multiples facettes, des acteurs de la création et de l’intellectualité française de la seconde moitié du XXème siècle. Non en vain la pression exercée par André Malraux, alors ministre de la culture, pour que Langlois soit destitué comme directeur de la Cinémathèque fut un des précédents déclencheurs à la grande explosion des évènements révolutionnaires de ce printemps-là. Les protestations de la part des cinéphiles et des professionnels du monde du cinéma ne se limitèrent pas seulement à des manifestations dans les rues de Paris et des sièges de la porte de la Cinémathèque; le Festival de Cannes fut aussi boycotté cette année-là en signe de contestation et Malraux dut finalement faire marche arrière et réadmettre Langlois, bien qu’il réduisit substantiellement les subventions du gouvernement destinées à son grand projet de musée.
Comme pour Gilles Deleuze une des grandes idées cinématographiques de Minelli était sa conception du terrible pouvoir dévorant des rêves, les protagonistes de The Dreamers vivent par et pour le cinéma, depuis l’époque d’Artaud considéré par beaucoup comme l’art le plus proche des rêves. Dans la cinémathèque ils sont toujours de ceux qui s’assoient dans les toutes premières rangées, forts de leur croyance que de cette manière, l’éclairage de l’écran leur parvient comme quelque chose de frais et de neuf investi d’une présence magique qui s’affaiblit et disparait au fur et à mesure qu’elle traverse la salle de projection jusqu’aux derniers sièges, où sont assis ceux qui ont un rendez-vous, proche de la cabine de projection, où la gigantesque image de l’écran est réduite à un rectangle insignifiant.
Peut être parce que la lumière à Barcelone, même si elle n’est parfois pas spécialement cinématographique, est suffisamment magique et enchanteresse la majeure partie du temps, la ville a tardé un temps incompréhensiblement long pour avoir une Filmothèque au niveau culturel de la ville. Le processus n’a pas été étranger à la controverse et durant des mois, après la clôture de l’ancien siège à Sarria, les Barcelonais ont vécu la tragédie d’être orphelins de Filmothèque, mais après une désagréable période d’incertitude, le siège flambant neuf situé dans le Raval, à courte distance du Centre de Culture Contemporaine, du Musée d’Art Contemporain, du Centre de l’Image de la Virrreina, de l’Arts Santa Monica et de la Bibliothèque de Catalogne, a enfin ouvert ses portes (http://www.filmoteca.cat/web/).