[anthologie permanente] revue "Action Poétique" & Paul Louis Rossi

Par Florence Trocmé

La revue Action poétique cesse sa parution après soixante-deux ans (1950-2012) sur un fort et beau numéro, avec un DVD Rom qui comprend la collection complète de 1950 à 1922. Initiative que l’on doit célébrer. Il va être passionnant de pouvoir se replonger dans le passé de cette revue mythique, dont il faut souligner notamment l’ouverture sur les poésies étrangères de tous les pays du monde. 
Pendant quelques jours Poezibao puisera dans cette mine pour l’anthologie permanente.  
Voici après un inédit d’Emmanuel Hocquard, un second extrait, de Paul Louis Rossi, un fragment de L’usure et le temps.  
 
Le geste 
 
Il faudrait tenter l’expérience d’inciser un texte banal. Et jauger sans préjugés la transformation de l’objet et le contenu final de l’expérience. 
 
Inventer un art de la segmentation. Un peu comme on taille les arbres en automne. Comme on pratique l’art de la greffe. 
 
J’ai inventé que Fra Angelico novice au couvent des Dominicains de Fiesole prenait conseil du jardinier – frère convers – pour la taille des branches et des boutures. 
 
Il distinguait les branches à fruits – les branches gourmandes – les branches de faux bois – les branches chiffonnes. 
 
Et le nom des cires à greffer – la poix de Sienne – la poix noire – la résine – la cire jaune – le suif de mouton.  

De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prend un tanstost à lécher seulement, tanstost à  effleurer, et par fois à pincer jusqu’à l’os.
Michel de Montaigne

Si je choisis un fragment du texte – dans Montaigne – par exemple – pourquoi prend-t-il un relief soudain qui change sa nature. C’est que le sens tourne sur lui-même autour de l’objet comme une toupie.  
 
L’art et la dissociation. Jusqu’à la chirurgie. Cependant la sensation qu’il faut savoir coudre. Trouver une méthode idéale de reconstitution. 
 
A la vérité le fragment nous introduit à l’angoisse de l’incomplétude et de la destruction.  
 
C’est pourquoi Fra Angelico s’intéressait à la colle avec du fromage – colla di cacio – que l’on ajoutait à la peinture. On fabriquait aussi une colle spéciale avec des museaux de chèvre, des tendons de mouton et des pieds de bouquetins  
 
On diluait la détrempe – tempera – avec du miel et du jaune d’œuf.  
 
Importance de la colle. Ce qu’on appelle le collage, même dans la pensée, nous introduit au sens de l’invention et de la construction.  
 
[...] 
 
Paul Louis Rossi, fragment de L’Usure et le Temps, in Action poétique, dernier numéro, « L’intégrale », pp. 250 à 252.  
 
Paul Louis Rossi dans Poezibao : 
Bio-bibliographie, extrait 1, lecture au Divan (mars 06), extrait 2 (L'imprononçable), Les Ardoises du ciel (présentation), extrait 3, ext. 4, notes poésie, ext. 5