Angelo RINALDI, Le roman sans peine : chroniques littéraires, Les empêcheurs de penser en rond/La Découverte, Paris, janvier 2012 (325 pages).
Rinaldi critique : mon modèle, ai-je déjà avoué. Il ne s'en fait plus guère de ce genre, l'époque se contentant d'aimer ou de ne pas aimer, pourvu qu'il y ait une histoire, dans un bouillon promotionnel tiédasse. Tenez les incipit suivants, croyez-vous qu'ils surgiraient des clavier de nos folliculaires culturels ?
« Pour un écrivain, l'enfance c'est du passé qui a toujours de l'avenir. Au bout de la route, elle lui inspire souvent un chef-d’œuvre, outre l'occasion de constater qu'il ne fut, à aucun moment, un adulte, et que l'on sort trop tard des premières années. » (sur Notre après-guerre de Dominique Jamet).D'entrée, on sait où l'on s'en va : admiration ou détestation. Si la seconde constitue le sel de l'ouvrage, la première en est la substance, et vous savez mon faible pour les « livres à livres »; avec Rinaldi, je l'ai en ma possession pour trois semaines, nul risque de tomber en panne de bonnes lectures. Témoin, je lui suis notamment redevable de la découverte de Jean Rhys et Elizabeth Taylor.
« Quand on lui parlait de Hiroshima mon amour, Marguerite Yourcenar répondait : "Pourquoi pas Auschwitz, mon chou ?" Elle soulignait par là l'indécence qui consiste chez un homme de lettres à raccorder un livre à un désastre, aux fins de lui communiquer, par capillarité, un peu de la force dont il est, pour son compte, dépourvu. Du charnier considéré comme un autre Viagra en remède à l'impuissance créatrice. » (sur Windows on the World de Frédéric Beigbeder).
Présentation de l'éditeur :
« " Le Grand Mamamouchi et la dame de trèfle ", " Bécassine sur le divan ", " Des roses rouges pour Willi ", " L'enchantement au bord du lac " ou encore " La marquise sortit après le couvre - feu " On trouvera ici quantité d'histoires courtes, graves ou désopilantes, qu'on dirait être des contes - cruels, féeriques, licencieux ou à dormir debout -, en vérité tranches de vie. Issues des innombrables lectures d'Angelo Rinaldi - biographies, Mémoires, Journaux, correspondances, d'écrivains mais pas seulement, et bien sûr romans -, elles lui sont aussi inspirées par le souvenir de ses rencontres. Les plus divines, souvent, il les a faites à l'" Internationale des petites gens ", au coin de la rue ou au zinc d'en face. Ainsi avec ce ferrailleur manouche qui, rappelant que Django Reinhardt devait son toucher unique au handicap de ses deux doigts brûlés à la main gauche, lui inspire cette réflexion : " L'artiste est dans l'usage qu'il fait de sa blessure. " Le reste n'est que travail. Mais quel ! chez ces John McGahern, Flannery O'Connor, Jean Rhys, Roger Grenier, Dominique Fabre, dont la discrétion est à la mesure du talent, quand tant de faiseurs et faisans font les têtes de gondole.
» Entre mille choses, on apprendra que " le génie de Proust était d'essence comique " et que Milan Kundera ne se prend pas pour rien. Avec son humour et ses aperçus étonnants, qu'il loue ou qu'il fustige, lire Rinaldi est un bonheur, comme seul le style d'un romancier en dispense, la critique littéraire selon lui exigeant d'être à la fois juge et partie. »