Interview B. Maurer : IMHO, un éditeur différent

Publié le 10 mai 2012 par Paoru

Après plusieurs chroniques et avant la présentation des nombreux invités de la prochaine Japan Expo, je vous propose aujourd’hui de sortir des sentiers battus pour découvrir un éditeur : IMHO, maisons d’édition indépendante de bandes dessinées, littérature, essais, photographie, technologie…

Voici donc une entrevue avec Benoit Maurer, le directeur éditorial, qui a accepté de répondre à nos questions, pour nous présenter sa maison d’édition indépendante créé en 2003 qui traite des mangas, du Japon, de la pop culture avec des auteurs connus et à découvrir, pour une réelle identité éditoriale.

Après une première découverte avec L’enfant insecte de Hideshi Hino, plongeons maintenant dans le vif du sujet…

Bonne lecture

Bonjour Benoit Maurer,

Tout d’abord pouvez-vous nous préciser votre rôle au sein des éditions IMHO ?

Bonjour…

Je suis principalement éditeur, c’est-à-dire que je choisis les mangas à éditer, négocie les droits auprès des agents ou des éditeur japonais, puis confie la traduction et l’adaptation graphique aux freelances en charge de ces fonctions. Je finalise les argumentaires commerciaux pour le distributeur, ainsi que la production du livre (choix du papier, etc). Bref, du début du livre jusqu’à son arrivée en librairie.

 On continue avec les présentations, IMHO est une maison d’édition… Mais vous publiez quoi ?

Nous publions essentiellement des mangas contemporains de jeunes auteurs qui peuvent être très connus au Japon et évoluer dans le manga mainstream comme par exemple Usamaru Furuya ou Naoki Yamamoto ou des auteurs plus confidentiels comme Shizuka Nakano et Shynia Komatsu qui viennent de commencer leur carrière après la fin de leurs études.

Dans tous les cas, nous cherchons à explorer la richesse graphique du manga en montrant qu’il n’existe pas un seul style graphique comme pour les shōnen, les shōjo, un style très codifié mais qu’au contraire, de nombreux auteurs japonais travaillent dans des directions différentes. De notre côté, nous mettons plutôt en avant des auteurs très ‘pop’ ou ‘décalés’ dans leurs approches que cela soit les dessins très rétros de Junko Mizuno ou d’Hideshi Hino, le trait punk d’Atsushi Kaneko ou le travail surréaliste de Suehiro Maruo.

Nous publions aussi quelques livres sur le cinéma (un livre sur Mamoru Oshii est prévu pour juin).

Pourquoi avoir choisi d’être une maison indépendante et qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?

Il n’y a pas vraiment eu de choix en réalité. J’avais envie de commencer à travailler rapidement et je ne me suis pas trop de posé de question sur le pourquoi du comment. Le but était vraiment de publier des livres et je n’avais pas de contact pour « lever des fonds » ou proposer des projets à un gros éditeur. D’un point de vue basique, être indépendant, cela veut juste dire qu’il faut tout faire soi-même avec les moyens du bord.

Il existe un autre éditeur de manga indépendant très connu : Ki-oon. Quels points communs et surtout quelles différences ?

Les points communs sont que les deux structures sont nées plus ou moins en même temps et j’aime beaucoup leur travail. Après, les éditions IMHO ont un côté plus artisanal dans le sens où nous publions à peine un titre par mois pour des lecteurs beaucoup moins nombreux. Nous sommes plus un éditeur de niches tandis que Ki-oon peut toucher un public plus large.

On connait tous les grands éditeurs nippons de manga, mais comment décrire l’univers et le marché du manga indépendant au Japon ?

Très délicat. Le système de distribution au Japon est très concentré. Deux gros distributeurs monopolisent le marché, si je me souviens bien… Il existe peut-être réellement un ou deux petits éditeurs de mangas comme par exemple Seirinkogeisha avec qui nous avons beaucoup travaillé qui se battent tous les jours pour exister en librairie. C’est d’autant plus difficile que l’édition n’est pas du tout aidée au Japon comme peut l’être l’édition en France (aides de l’État, prix du livre unique, etc).

En France, c’est très différent en partie parce qu’il y a beaucoup de petits ou moyens éditeurs qui travaillent le manga (Cornélius, le Lézard noir, Matières, FLBL…)

Est-ce que ce catalogue de touche à tout (cinéma, manga, essai, photos) était l’idée originelle de IMHO ? Comment est-elle venue ?

C’était l’idée originelle, mai ce n’était pas forcément une bonne idée ou en tout cas une idée facile à mettre en place pour une structure aussi petite. Nous allons vraiment nous concentrer sur la partie Images (Mangas et Cinéma).

 Si on se restreint à la partie manga de votre catalogue, quelle est votre ligne éditoriale ?

Essentiellement des auteurs jeunes contemporains (pas de réédition d’auteur des années 70 comme peuvent le faire par exemple Kana ou Cornélius) qui abordent le manga d’une manière à la fois ludique mais aussi qui proposent une approche graphique et narrative plus pop et décalée. La particularité est que l’ensemble des auteurs est publié dans le format B5 (14,7 x21 cm) et plutôt rangés dans les rayons des mangas indépendants ou moins mainstream au Japon.

 Quel est votre public ?

Essentiellement des adolescents ou jeunes adultes qui ont baigné dans le manga depuis longtemps et qui cherchent des mangas au goût plus corsé et plus décalé que le shōnen classique.

Vos publications s’éloignent des genres ou des thématiques standards du manga. Avantage en termes d’images et inconvénient en termes de ventes ?

Étant donné que nous publions des mangas au format différent et au visuel fort, cela permet en effet d’avoir une bonne visibilité en librairies… À condition que le libraire veuille bien jouer le jeu. Au début il a été parfois difficile de présenter notre travail : pour le libraire classique, il découvrait (se prenait en pleine figure) toute la vague manga qu’il devait ingurgiter sans en connaître les codes.

Pour le libraire plus spécialisé, c’était parfois difficile car pour lui nous n‘étions pas du vrai manga (comprendre pas dessiné comme du manga shōnen classique). Aujourd’hui, la situation a changé, le manga est partout, il y a eu le prix pour Mizuki à Angoulême, etc. En termes de ventes, nous nous adressons vraiment à des fans hardcores, c’est un marché de niches et nous essayons d’intéresser le public en lui proposant un goût différent.

Et d’ailleurs quels sont les leaders de votre catalogue, à combien d’exemplaires se vendent-ils ?

Les leaders sont les auteurs historiques d’IMHO : Junko Mizuno (5000 ventes pour Cinderalla), Suehiro Maruo (5000 ventes pour la Jeune fille aux camélias) Hideshi Hino (3000 ventes pour Panorama de l’Enfer, Serpent Rouge…), Usamaru Furuya

Comment se profile cette année 2012 et quels sont vos objectifs ?

Pour 2012, nous avons repris le rythme des parutions après avoir changé de distributeur (nous sommes à Harmonia Mundi). Sur la partie Mangas, deux envies : continuer à travailler des auteurs inconnus comme Shynia Komatsu qui viennent de sortir leur premier manga au Japon, d’essayer d’être découvreur de talent… Sinon commencer à travailler les œuvres plus pointues d’auteurs qui évoluent dans le manga mainstream avec Usamaru Furuya et son génial Palepoli ou aussi Naoki Yamamoto, Inio Asano

Un mot sur vos futures sorties ?

Pour la fin d’année, Pilou 02 de Junko Mizuno (enfin je l’espère !). Petite exclu, nous allons sortir le délirant Mindgame de Robin Nishi et qui a été adapté par Studio 4°C en film (sorti chez Potemkine en France). Sinon pour fêter dignement nos dix ans, nous avons deux très gros auteurs en discussion… Stay tuned !

Merci Benoit et longue vie à IMHO !


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