Jean-Jacques Schuhl parmi les spectres
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Jean-Jacques Schuhl, Entrée des fantômes
Jean-Jacques Schuhl est devenu un auteur mythique avec deux petites œuvres : Rose poussière et Telex n° 1, parues chez Gallimard au milieu des années 1970 ! Puis il réapparaît en l’an 2000, pour remporter le prix Goncourt avec Ingrid Caven. Et le voilà qui disparaît de nouveau jusqu’en 2010, quand il publie Entrée des fantômes, un livre énigmatique où il est impossible de démêler les fils de la narration. En fait, on ignore si les personnages sont réels ou de purs mirages, s’ils sont oniriques ou le fruit d’une imagination torride ! On finit par comprendre qu’il s’agit de l’histoire d’un auteur en quête de ses personnages, de ses trames et de ses intentions. Le roman – si roman il y a – est une histoire de fou, mais surtout une histoire qui dépeint sous une lueur déconcertante la création littéraire dans sa vérité crue.
Car Schuhl n’est dépourvu ni d’invention ni de sens narratif. Le plus paradoxal ici est qu’il parvient à nous entraîner dans des aventures abracadabrantes avec tous ces fantômes et l’on se prend au jeu : nous voilà en train de chasser les spectres qu’il nous propose et nous enfoncer dans le labyrinthe de scènes plus ou moins probables. Alors la magie de la fiction prend toute sa dimension dans ce monde qui a bien cinq dimensions, où l’on croise Raul Ruiz et Ingrid Caven, et où l’on se demande si le narrateur va accepter de jouer le remake du film muet les Mains d’Orlac !
Gérard-Georges Lemaire
Entrée des fantômes, de Jean-Jacques Schuhl. Éditions Gallimard « Folio », 170 pages, 6,30 euros.