Alors que François Hollande promet de faire voter le mariage gay avant le printemps 2013, Joe Biden et Barack Obama affichent également leur soutien aux unions homosexuelles. Il faut croire que c'est le sujet électoral majeur de ce début de XXIe siècle... Pendant ce temps l'Argentine, qui a pris les devants en autorisant le "mariage égalitaire" en 2010, a décidé de poursuivre son gai chemin en entérinant un projet de loi sur l'identité sexuelle qui autorise les travestis et transsexuels à déclarer le sexe de leur choix auprès de l'administration.
Comment en est-on arrivé là? Quels sont les enjeux? Pourquoi est-ce en contradication avec nos valeurs essentielles?
Il me semble tout d'abord que nous avons trop tendance à emmêler des sujets finalement très différents les uns des autres, qui ne répondent pas aux mêmes questions et n'ont pas les mêmes conséquences. Mariage gay, homoparentalité, adoption par les couples homosexuels, procréation médicalement assistée pour les lesbiennes, gender et choix du sexe pour les transsexuels, etc. Tous ces sujets transgressent de la même manière l'anthropologie naturelle mais ils ont néanmoins des impacts différents et mériteraient d'être traités séparemment par leurs défenseurs, qui d'ailleurs ne seraient pas forcément tous en accord avec l'ensemble des propositions. Néanmoins, soyons clairs, en droit français et international, le mariage entraîne de facto tout le reste, car contrairement à une idée reçue le mariage n'est pas une reconnaissance sociale de l'amour mais bien une reconnaissance sociale de la famille. Le verbe "aimer" n'est d'ailleurs pas cité dans les articles du code civil lus à la mairie.
Aimer ce n'est pas faire plaisir
La société dans laquelle nous vivons en Occident s'appuie globalement sur une recherche d'humanité, inspirée des valeurs judéo-chrétiennes d'amour du prochain. Et c'est une chose heureuse. Les gens que nous cotoyons dans nos familles, dans nos loisirs ou au bureau essaient, avec leurs limites, de se soucier les uns des autres et pleurent devant la souffrance des plus faibles. Ils pleurent même devant un film au cinéma. Nous continuons à commettre régulièrement les sept péchés capitaux, nous restons orgueilleux, avares, colériques, gourmands, impurs, envieux et paresseux, nous sommes trop souvent égoïstes et narcissiques, mais nous pleurons quand-même devant la souffrance de l'autre.
Nous voulons être aimés, nous voulons faire plaisir. Il y a déjà dans cette affirmation un premier piège dangereux, celui de vouloir faire plaisir à l'autre pour être aimés nous-mêmes plutôt que pour son bien profond à lui. Nous avons trop peur de décevoir, par manque de courage, de conviction ou peut-être d'amour. L'amour vrai est un objectif extrêmement difficile à atteindre et ce n'est pas pour rien que les chrétiens se tournent vers Dieu, vers Celui qui s'est fait homme (Jésus Christ) et est mort sur la croix pour aider les hommes à aimer. Nous avons besoin de Dieu pour aimer.
Quand notre enfant fait une colère, nous avons du mal à lui résister; parfois nous cédons à son caprice et parfois nous arrivons à lui dire NON. Ce que nous éprouvons alors avec notre enfant (ou nos amis) c'est la difficile frontière entre aimer et faire plaisir. Acheter des bonbons, un jeu vidéo ou un tour de manège lui feraient tellement plaisir que lorsque nous lui disons NON, nous voyons les larmes couler de ses yeux et ça nous fait mal. Pourtant, nous avons de temps en temps cette lueur de conscience éducative qui nous permet de comprendre que notre NON est un NON raisonnable, un NON pour un plus grand bien, un NON d'amour. Nous vivons ainsi quotidiennement cette expérience qui nous conduit à aimer sans faire plaisir, ou parfois, par faiblesse, à faire plaisir sans véritablement aimer. Aimer est un acte d'abandon et de confiance absolue.
Pourquoi dire gaiement NON aux gays
N'ayons pas peur de dire NON par amour. Certains crieront des grands mots, nous affubleront d'intolérance, d'homophobie, d'inégalité. Mais ne nous tourmentons pas, d'autres ont subi beaucoup plus d'outrages en ayant raison. Nous disons NON et refusons ainsi de faire plaisir à certaines personnes proches que nous pouvons aimer, justement parce que nous les aimons. Vraiment. Tels qu'ils sont, créés à l'image de Dieu pour les croyants, personnes humaines.
La création de l'homme et du monde a un sens. Cette anthropologie qui nous dépasse, ce mystère incompréhensible, fait de nous des hommes et des femmes potentiellement procréateurs. L'écologie humaine sensée a ainsi une réalité incontournable : il faut un homme et une femme pour concevoir un enfant. Un enfant adopté, un enfant né d'une FIV, un enfant engendré par une mère porteuse sont trois enfants issus d'un homme et d'une femme.
Face à ce simple constat, nous pouvons avoir un regard scientiste et considérer que cet état de fait est temporaire. C'est la tentation de Prométhée qui vola le feu aux dieux, la tentation orgueilleuse de l'homme qui veut être un dieu à la place de Dieu parce qu'il n'est pas content de Sa création. Mais nous pouvons aussi avoir un regard plus profond, peut-être plus humble, et réfléchir au sens de cette nature merveilleuse. Nous nous émerveillons devant la nature, nous avons tous un penchant écologiste, nous défendons les ours et préservons les océans mais nous voulons changer l'homme. Nous acceptons voire défendons avec virulence les règles de la nature environnementale et en parallèle refusons celles de la nature humaine dès lors qu'elles nous touchent personnellement. Je reviens à la tentation évoquée plus haut de vouloir finalement nous faire plaisir à nous mêmes. Pourquoi sommes-nous écologistes? Pour respecter la nature ou pour faire des safaris? Pour protéger les richesses magnifiques de la Création ou pour survivre? En fonction de nos réponses, nous pouvons nous demander pourquoi nous ne sommes pas prêts à respecter la nature humaine, l'anthropologie indéniable que chacun perçoit très naturellement. Décentrons-nous un instant, oublions notre nombril et portons notre regard vers le ciel. Aimons et protégons la nature pour ce qu'elle est : un cadeau.
Cette nature est réellement merveilleuse. Elle construit la personne humaine sur la différence et donc sur l'amour. C'est bien de la différence incroyable entre l'homme et la femme que nait l'enfant et, plus profondément encore, c'est bien de l'amour de l'un pour la différence de l'autre que nait l'enfant. La famille est donc ainsi une institution bâtie intrinséquement sur l'amour et donc apte à transmettre cet amour, par la différence et la complémentarité offertes par la nature. Adam et Eve, c'est la tolérance absolue, la reconquête de l'amour divin par l'amour humain dans la différence sexuée.
Cependant, je n'oublie pas que la souffrance existe. Il y a la souffrance de ceux qui ne peuvent pas avoir d'enfants. Il y a la souffrance des enfants qui se construisent au sein de familles éclatées. Il y a la souffrance, rare, de ces personnes qui n'arrivent pas à développer leur identité masculine ou féminine. Il y a beaucoup d'autres souffrances. Mais est-ce que les réponses à ces souffrances doivent être celles qui sont actuellement sur les tables gouvernementales? N'avons-nous pas plutôt comme vocation de montrer un chemin d'amour à chacun en fonction de ce qu'il est ? Avons-nous le droit d'institutionnaliser ce qui peut exister à cause des aléas de la vie pour "faire plaisir", pour répondre à un désir? "Chacun d'entre nous avons une place dans le plan de Dieu", nous rappelle Benoit XVI avec tendresse. Les homosexuels n'ont pas forcément cette vocation à être parents mais ils en ont bien une autre à découvrir là où ils sont. Il y a heureusement de nombreuses manières d'aimer.
Dire NON, est-ce homophobe?
Il y a cette phrase très pertinente dans le Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglise : "les valeurs humaines et morales essentielles ne sont pas basées sur des « majorités » d'opinion provisoires ou changeantes, mais elles doivent être simplement reconnues, respectées et promues comme éléments d'une loi morale objective, loi naturelle inscrite dans le cœur de l'homme." Il ne faut jamais avoir peur d'aller contre la majorité (qui d'ailleurs sur ses sujets n'en est pas vraiment une, demandons un référendum).
Je répondrais malgré tout à cette question, que chacun se pose et qui le freine dans l'affirmation de ses convictions, que tout homme de bonne volonté accepte la discussion et peut entendre des idées qu'il ne partage pas. N'ayons donc pas peur de parler et donner notre point de vue, tant que nous le faisons avec amour.
Je dirais ensuite que la première erreur française fut l'acceptation de l'adoption par des célibataires. Cela va de la même manière à l'encontre de l'anthropologie, et donc à l'encontre à la fois de l'écologie humaine et du besoin psychologique de l'enfant. Défendons la famille, une famille unie, stable, fondée sur la différence. De la même manière que nous devons nous opposer à l'adoption par des célibataires tout en aimant nos ami(e)s célibataires, nous devons nous opposer au mariage et à l'adoption homosexuels tout en aimant nos ami(e)s homosexuel(le)s! Il n'y a pas plus d'homophobie que de célibatairophobie mais bien une conviction profonde que le bien ne se trouve pas dans ces libertés-là que d'aucuns appellent égalité alors que les lois sont déjà égalitaires (ce sont les situations qui sont différentes). Nous ne pouvons avoir de "phobie" à l'encontre de personnes humaines; nous les aimons bien que notre amour fasse parfois couler des larmes de leurs yeux.
Enfin, ce que la loi et la société interdisent à des femmes âgées (adoption, FIV) sans difficulté, pourquoi voudrions-nous l'autoriser à des couples du même sexe? Les enjeux anthropologiques sont pourtant identiques. La loi naturelle a un sens, la même qui ne permet pas à une célibataire d'enfanter, la même qui ne permet pas à une femme âgée d'enfanter, la même qui ne permet pas à deux femmes d'enfanter. Aimons tout autant les uns et les autres, n'ayons pas de "phobies" pour des gens qui vivent leur vie avec ce qu'ils sont; soyons certains qu'ils ont une vocation d'amour à découvrir et à développer pour faire de grandes choses.
Je vais terminer cette réflexion de la même manière que mon précédent billet sur le sujet (voyage au bout de la vie). Face à l'horreur de la guerre Bardamu s'écria : "seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c'est eux qui ont tort, Lola, et c'est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux: je ne veux plus mourir." Nous sommes peut-être quelques Bardamu esseulés dans cette lutte contre l'absurdité violente du désir, mais nous avons raison parce que nous savons ce que nous voulons : nous ne voulons plus voir l'homme mourir.