Sur la planète Tirol, dans la constellation de la Croix du Sud, une civilisation doit résoudre un problème vital : développer une nouvelle source d’énergie. L’un d’eux, Zor, découvre sur un autre monde habité par êtres protoplasmiques et primitifs appelés Invids un type de végétal, la Fleur de Vie, qui une fois traité permet d’obtenir une quantité quasi-illimitée de puissance. Désormais tributaire de cette technologie, Tirol devient un empire autocratique qui dépouille les Invids de la Fleur de Vie pour asseoir définitivement sa puissance.
Mais, incapables de survivre sans Fleur de Vie, les Invids développent des armes avec une technologie inspirée par Zor afin d’aller reprendre leur bien aux tiroliens. Alors que Tirol menace de s’effondrer, Zor fuit son monde à bord d’un navire qui transporte une matrice capable de régénérer la Fleur de Vie : si son équipage ne survivra pas, le vaisseau finira par échouer sur une planète inconnue – la Terre.
Ce genre de chose arrive : le succès d’audience et le profit qu’il engendre attirent l’attention de toutes sortes de gens qui, sinon, n’aurait prêté aucune attention à l’objet dudit succès. Ainsi, la série TV Robotech (Robert V. Barron ; 1985) connut-elle à peu près à l’époque de sa première diffusion une déclinaison sur le grand écran sous la forme du film Robotech: The Untold Story (Carl Macek & Noboru Ishiguro ; 1986) avant de se voir adaptée sous la forme d’un jeu de rôle sur table, sous le titre fort à-propos de Robotech, The Role-Playing Game, par l’éditeur Palladium Books de 1986 à 1998. Voilà comment débuta une série d’ouvrages qui compte pas moins de quatorze volumes, dont plus d’une dizaine sortis en moins de trois ans après le premier.
Mais que ces quelques arbres-là ne cachent pas la forêt, car on a bel et bien affaire ici à une adaptation. En d’autres termes, les limites de cette déclinaison de franchise tiennent dans les efforts que déployèrent ses auteurs pour faire entrer dans le moule de leur système de jeu un univers qui en débordait visiblement. Car Robotech, entre autres en raison de ses origines pour le moins hors normes, s’avérait bien trop vaste pour trouver un système de jeu à sa pleine mesure dans le carcan du Palladium Megaverse ; celui-ci, en effet, et au moins dans les grandes lignes, se différencie somme toute assez peu du système Donjons & Dragons (E. Gary Gygax & Dave Arneson ; 1974), voire du système Basic Role-Playing de l’éditeur Chaosium Inc.
Voilà pourquoi les joueurs trouveront vite quelques difficultés à vouloir exécuter durant leurs parties le même type d’actions et de manœuvres que les héros de la série TV, surtout en ce qui concerne le pilotage des différents appareils et mechas. Augmenter les capacités des personnages à travers leurs différents attributs et talents ne permettra pas davantage de résoudre ce problème tout de même assez épineux – j’en sais quelque chose, j’y ai consacré quelques heures de ma vie… En fait, le système Palladium s’avère tout simplement trop générique, au point que seules l’imagination et la créativité des joueurs permettent d’en compenser les défauts. Comme tous les jeux de rôle, vous me direz, mais à la différence près qu’ici ces défauts se trouvent sans cesse soulignés par une série TV que les fans connaissent sur le bout des doigts…En fait, ce titre ajoute un seul élément au Palladium Megaverse : la notion de mega-damage, des sortes de points de vie augmentés équivalent chacun à 100 points de vie normaux, qui permet d’illustrer la résistance du blindage des mechas et qu’on trouvera par la suite dans la série des Rifts (même éditeur ; 1990) – d’ailleurs, on peut en voir une itération comparable dans la série de jeu de rôle Mekton II (R. Talsorian Games, 1987), pour dire comme le concept se trouvait dans l’air du temps… Mais tout aussi astucieux qu’il soit, cet aspect amenait lui aussi son lot d’incohérences puisque des « méga-blindages » ne pouvaient, dans le jeu, être altérés par des armes ne produisant pas de mega-damages… alors que ça se produisait sans cesse dans la série TV.
Et à ceci s’ajoutent les inévitables ajouts et autres inventions d’auteurs peu inspirés mais néanmoins payés pour pondre un supplément à l’intérêt d’autant plus discutable que personne n’utilise jamais son contenu. Sans oublier, affirment certaines rumeurs, les éléments proposés par des fans qui, dit-on, ne virent jamais la couleur de l’argent que ça aurait dû leur rapporter ; il m’est d’ailleurs arrivé de voir dans un volume d’extension des choses ressemblant étrangement à du matériel que j’avais conçu moi-même avant de l’envoyer à un magazine spécialisé lié à Palladium Books et qui devait obtenir son aval avant de publier ce que je leur proposais… Voilà aussi comment cette série atteignit le nombre peu négligeable de presque quinze volumes.
Mais en dépit de ces faiblesses flagrantes, Robotech, The Role-Playing Game devint vite une source d’informations prisée par les fans de la série TV originale qui pouvaient y trouver toutes sortes de renseignements restés longtemps inaccessibles autrement. Et puis c’était aussi le seul moyen de jouer dans l’univers hors norme de Robotech.Ce qui, de nos jours, vu le nombre de jeux tirés de cette licence, tous médias confondus, s’avère une raison bien moins pertinente qu’à l’époque…
Notes :
L’adaptation se poursuivit à travers les deux volumes tirés du projet de série TV avortée, Robotech II: The Sentinels (Taro Harase ; 1986), et dont le premier fera l’objet d’une chronique prochaine.
Une nouvelle série d’ouvrages, basée sur le film d’animation Robotech: The Shadow Chronicles (Tommy Yune & Donk-Wook Lee ; 2005), fut lancée en 2008.
Robotech, The Role-Playing Game
Palladium Books, 1986
110 pages, env. 20 €
- le site officiel de Palladium Books
- le site officiel de Robotech