Il n’y a pas qu’à la Foire internationale que l’on célèbre les 30 ans de jumelage de Bordeaux et Fukuoka. Les deux Villes ont aussi fait en sorte que se multiplient les propositions artistiques dans plusieurs lieux.
Séparées de quelque 10 000 km (10 001 pour être exact !), les deux villes partagent plus qu’un simple engagement de pure forme tant elles ont de points communs. Deux cités portuaires, deux villes du Sud, deux villes-centre de leurs régions respectives, au passé chargé d’histoire et dont la vivacité culturelle, sans égaler celle des capitales, rayonne à l’intérieur et au-delà des frontières. Pour marquer ces trente ans d’amitié, Bordeaux accueille plusieurs événements, dont une exposition qui n’est pas directement liée à Fukuoka : au Jardin public, l’art nomade de la Franco-Vietnamienne Kaïdin sur les traces du poète Matsuo Bashô dans ses pérégrinations au nord du Japon, vue par l’objectif de Uwe Ommer. Des créations de land art éphémère qui ne sont pas sans évoquer l’extrême dépouillement du haïku, forme poétique dont Bashô est considéré comme l’un des pères.
Au carrefour de deux mondes
Ce soir, le haïku sera aussi l’un des éléments au coeur de la 1re édition de la saison de Littérature en jardin proposée par Permanences de la littérature. Installée depuis peu à la Bastide, c’est tout naturellement que l’association a choisi le Jardin botanique comme espace d’expression pour ses cinq artistes invités. Au premier rang desquels la vidéaste de Fukuoka Yumi Sonoda et l’écrivain Jean-Michel Espitallier. Tous deux sont accueillis afin de réaliser une production croisée pendant une quinzaine de jours, jusqu’au 20 mai. En guise de “prise de contact” – ils se rencontrent pour la première fois –, ils donneront au public un exemple de leurs créations récentes. Ainsi, Sonoda, qui travaille à partir d’images d’archives de la vie quotidienne, projettera un film inédit autour des cerisiers en fleurs. «Cela faisait longtemps que je voulais aborder ce thème, souligne-t-elle, mais la floraison ne durant qu’une semaine, je n’avais jamais eu l’occasion avant.» Espitallier, quant à lui, donnera lecture de son «Giverny jour et nuit», créé pour le jardin de Monet dans le village normand. La soirée sera complétée par «99 Haïkus», une lecture en français et en japonais de poèmes classiques et contemporains par Yumiko Machino – une native de Fukuoka installée à Bordeaux – et Jean-Pierre Nercam, mis en musique par Garlo. «J’attends beaucoup de la rencontre, insiste Jean-Michel Espitallier. Des surprises, certainement, des échanges où chacun devra trouver sa place, sans qu’un art prime sur l’autre.» Le résultat sera peaufiné en septembre, lorsqu’il rejoindra Yumi Sonoda à Fukuoka, pour une restitution en décembre, lors de la prochaine édition de Ritournelle, le grand rendez-vous de Permanences. «Et pour une vie après, espère Marie-Laure Picot, sa directrice, car nous aimerions beaucoup que cette création puisse être diffusée.» À suivre...
L’oeil d’un Occidental amoureux
«C’est un drôle de retournement du destin. Il y a 20 ans, on m’appelait pour partir à Fukuoka, parce que j’étais graphiste et bordelais. Aujourd’hui, je reviens à Bordeaux en tant que citoyen et “artiste officiel” de Fukuoka pour 15 jours ! » L’homme qui parle n’est autre que l’un des protagonistes de l’autre rencontre au sommet de cet anniversaire, Vincent Lefrançois. En 1991, il effectue sa coopération à l’Institut français de Fukuoka. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, une Japonaise, et qu’il embrassera une double carrière de professeur de français et de graphiste. De grands médias nationaux, tels la chaîne de télé NHK ou l’hebdomadaire «Asahi Weekly», font appel à lui, tant pour son style qui a toujours su «ne pas singer le manga» et son regard d’Occidental qui a adopté et été adopté par Fukuoka et le Japon en général. Un regard décalé et sensible sur les petits détails du quotidien des Japonais, mis en lumière par les photographies «plus frontales» de Fukuoka signées Kazuhisa Shiihara, que l’on retrouve dans le «Guide amoureux de Fukuoka» diffusé à la Foire internationale et un peu partout dans Bordeaux, et dans une belle exposition à voir à partir de demain soir à l’Espace Saint-Rémi. • Sébastien Le Jeune
Littérature en jardin, ce soir, à 18h30, au Jardin botanique. Gratuit sur réservation au 06 77 98 90 53.
«En décalage, une balade aux lueurs de Fukuoka», à l’Espace Saint-Rémi (4, rue Jouannet) du 11 au 22 mai. Vernissage demain à 17h30, rencontre avec Vincent Lefrançois mardi 17 à la librairie BD Fugue. Entrée libre.