En Quête de Chocolat par Patrick Faus
Il y a quelque chose de chrétien dans la notion de quête. Normal, Patrick Roger est un mystique. Mystique du savoir, de la connaissance, de la recherche des solutions, des équations insolubles, des injustices, des pertes d’un monde en voie de disparition. Alors, il travaille, crée, sculpte, façonne, pour se trouver, ce qui n’est pas chose facile. Le chocolat est sa matière, sa matrice, son alter ego, son destin, presque son fatum. Il l’assume à merveille, avec panache et avec une joie teintée de désespoir. Il est comme un enfant avec ses motos qui l’ont mené à ses premiers défis et à ses premières victoires. Il est comme un enfant dans son immense atelier à Sceaux, émerveillé, mais au même moment inquiet de cette grandeur, de ces nouveaux instruments, de ces nouvelles machines qui vont rendre le travail plus facile mais où l’on va perdre quelque chose, un sens, une volonté, une manière de se cogner à la matière. Gain et perte. Dilemme d’avancer en laissant derrière soi quelque chose que l’on ne retrouvera plus. La quête, encore et toujours. Le Graal que l’on n’atteindra jamais puisque la solution est dans la quête et non dans la découverte. Le mystère de l’artiste et de la création reste ainsi entier.
Patrick Roger est un artiste et il a fait un livre pour essayer de nous le dire. Un livre pas comme les autres qui ne ressemble à aucun autre pour un homme du chocolat qui ne ressemble à aucun autre. Pour le lire et entrer dans son univers, rien de tel que de grignoter, sucer, déguster un Bornéo, un Nomade, une Douceur, une magnifique Tendresse, comme lui qui sans arrêt ou presque picore des chocolats toute la journée (entre 40 et 50 pièces), et vous en donne pour partager, se rassurer, se donner et donner du plaisir. La chose la plus difficile au monde ? La plus aléatoire ? Il le sait.
Questions ? Réponses ?
Quel est votre premier souvenir de chocolat ?
Jusqu’à 18 ans, j’ai détesté le chocolat ! À la campagne où je vivais, il était très mauvais. Le changement, c’est fait à Paris, chez Pierre Mauduit, car une copine y travaillait et je l’ai rejoint. J’ai commencé à la pâtisserie et il m’a mis ensuite dans la voie de garage qui était le chocolat. Ce fut la révélation et en fait c’est la matière chocolat qui va me révéler. On va très vite me confier les taches importantes car ils se rendent comptent que je suis certes très minutieux mais aussi hors normes.
Vous avez été aussi une bête à concours…
Je suis très bon pour ça. Comme je viens de la moto de course, j’ai toujours aimé gagner. À 22 ans, j’ai gagné le World Master Chocolate et également la finale du Championnat de France en moto. Puis, je suis Meilleur Ouvrier de France Chocolatier.
Vous êtes très « animaux » dans vos créations en ce moment…
En fait, c’est surtout le végétal qui me travaille fort. C’est mon inspiration la plus importante. La déforestation est une catastrophe planétaire et personne ne fait rien. Aujourd’hui, on met du blé dans les voitures alors qu’en Somalie, ils crèvent de faim. On vit dans un paradoxe et dans un égoïsme terrible.
Vous sentez-vous des affinités avec d’autres « grands » chocolatiers ?
Avant d’apprécier le travail, j’aime l’homme. Il y en a deux ou trois que j’aime beaucoup. Fabrice Gillotte à Dijon que j’apprécie beaucoup et nous sommes très proches dans le process. Edouard Hirsinger, à Arbois, un homme extraordinaire qui respire le beau.
Y a-t-il un chocolatier qui vous impressionne ou vous a impressionné ?
Non, aucun.
Vous mangez un chocolat de chez Bernachon, ça ne vous fait rien… ?
Surtout pas lui. Hirsinger, je préfère sa pâtisserie à ses chocolats. Jacques Genin est très bien en pâtisserie, mais il faudrait qu’il se détende un peu dans la vie.
Est-ce que votre livre vous ressemble ?
Oui et non. Je voulais mon portrait recouvert de chocolat en couverture au lieu de cette photo de mode. Ils n’ont pas voulu. Le titre n’était pas non plus celui-là. On va dire que c’est un beau livre. En plus, c’est moi qui paye tout le monde. Pour les textes, j’aime bien l’homme qui a écrit car je ne comprends rien à ce qu’il écrit !
Quelles sont les créations dont vous êtes le plus fier ?
L’orang-outan, il cogne ! Les hippopotames aussi, s’ils tiennent le choc, le voyage et l’exposition.
En ces temps troublés, est-ce que le chocolat rassure ?
Tout le monde surfe sur une vague médiatique comme Hermé, Genin, mais ils devraient faire leur métier avant tout. Ce sont des pâtissiers et moi je suis chocolatier. Je ne suis pas pour le mélange des genres. J’ai fait le choix d’une « monoculture ». Michalak a dit que je faisais le meilleur macaron au chocolat du monde et il a peut-être raison mais ce n’est pas mon cœur de métier. Un jour, j’ouvrirais peut-être une boulangerie mais ce sera pour m’amuser.
La meilleure origine pour les fèves selon vous ?
La Colombie.
En Quête de chocolat
Texte : Jean-Marc Dimanche
Editions du Chêne
184 pages – 100 illustrations
45 €
Boutiques Patrick Roger
www.patrickroger.com