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Sous béton - Karoline Georges

Par Venise19 @VeniseLandry
Sous béton - Karoline GeorgesVraiment rare que je commente un roman abandonné puisque j’en abandonne si peu. Pour les compter en année, ce serait un. Désolée que ce soit celui-ci. Je serai toujours désolée d’abandonner un roman, car pour moi ça équivaut à couper la parole à quelqu’un qui s’adresse à moi. Je suis encore plus désolée pour Sous béton, puisque je le trouvais fort bien écrit. Efficace même, et peut-être trop efficace pour moi, vous verrez. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis rendu aux deux tiers. Le style y est savamment poétique !
C’est le sujet qui m’a fait frémir. Si efficacement cernée que je me suis moi-même senti cernée. Emprisonnée, serait le mot. Emprisonnée dans la cellule de cet édifice de béton où vivent des familles qui ne se voient pas, qui ne se fréquentent pas, puisqu’il est défendu de sortir de cette cage bétonnière. Ces milliers de familles séparées par des murs de béton sont épiées, surveillées, astreintes à des travaux via des écrans. Les surveillants sont des êtres violents, sans l’ombre d’une émotion, robotisés.
Comment se passe le quotidien à l'intérieur de cet étrange lieu clos ? On mange sans plaisir puisqu’on avale des suppléments alimentaires. La vie est réglée au quart de tour ; sommeil, consommation de suppléments, travail ou apprentissage. Sans émotion, autres que certaines négatives incontrôlées et incontrôlables qui surviennent sans avertissement. Le père rageur qui s’abrutit (avec des abrutissants), et ne croit plus à rien. La mère, pas abrutie, mais qui va de crise en crise d’angoisse, comme si le choix offert était l’abrutissement ou l’angoisse douloureuse. Elle est morte de peur d’être expulsée de cet endroit qui la rend malheureuse. Les enfants perturbent le couple, ils sont dérangeants, et on leur fait sentir de manière violente. Mais le pire est l’absence totale de sensualité et de la moindre vision à long terme, du moindre espoir, puisqu’au-delà de cette tour de milliers d’étages, il n’y aurait rien.
Mais l’enfant, lui, celui par qui cette histoire existe, n’est pas encore complètement atteint. Une lueur luit chez lui, sans que l’on ne sache clairement pourquoi. Il questionne son monde et se questionne. Témoin de cette vie violente à huis clos, il se laisse massacrer par son père, en attendant de comprendre.
Présentée au premier degré, l’histoire est étouffante et abrutissante de violence. Il y a sûrement un deuxième degré puisque le style est poétique par ses forts symboles. Une allégorie qui accuserait notre société frigide qui vit sans plus d’échanges humains, notre société rodée au quart de tour dans une productivité performante. Je conçois le deuxième sens, cependant, le premier générait une telle souffrance en moi que j’ai décidé, contrairement aux personnages de tout simplement m’enfuir.
* * *
Heureusement, plusieurs l'ont terminé et aimé, Sylvianne Blanchette de la Librairie Vaugeois en fait une critique édifiante et ... et ... et ... ce roman est finaliste du Prix des libraires. Lundi, le 14 mai, nous saurons s'il en sort grand gagnant.
Sous béton, Karoline Georges, Alto, 183 p.

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