Éditions de la Bagnole, 56 pages
Résumé:
Une femme nous accueille, seule, dans sa cuisine. Sa voisine est morte. Et peut-être par la faute même de celle qui, assise inconfortablement devant nous, nous racontera son histoire. "Je n'ai pas levé la main sur elle", nous dit la femme d'entrée de jeu. Mais a-t-elle seulement levé le petit doigt pour lui venir en aide?
Mon opinion:
Difficile de classer ce livre dans un genre particulier. Court roman? Monologue? Récit? Théâtre? Ce court texte est un peu tout cela à la fois. L'écriture est franche, tranchée. La liste d'épicerie scande le monologue au rythme des choses à faire, à acheter, à réparer. Une femme nous raconte sa vie. Le brouhaha de son quotidien. Elle nous amène dans le bourdonnement incessant de sa tête, de ses pensées, de sa maison. Son mari qu'elle a poussé à la campagne pour l'avoir tout à elle, mais qui passe ses journées sur la route. Ses enfants qui pleurent, qui crient. Sa voisine qui prend de la place, une place que la femme du récit n'est pas toujours prête à lui laisser. Ce récit nous demande: quelle est notre responsabilité face aux autres? Face aux voisins, aux amis, à ceux qui nous entourent? Nous avons une place dans leur vie, avons-nous aussi une responsabilité collective face à eux? Une petite demande de sa voisine, Caroline, sera engloutie dans la masse des choses du quotidien, perdue dans ces listes qui n'en finissent plus.
J'ai adoré. Le propos n'est certes pas joyeux, mais combien réel. J'ai vraiment aimé la forme de ce court récit. L'idée est originale. La construction est intéressante et très actuelle. Le livre se lit d'un trait, rapidement. Le lecteur est tout de suite happé par l'écriture hachée. L'histoire, quant à elle, nous retourne en pleine face notre vie de fou d'aujourd'hui, comme une rafale de vent... Je suis très sensible à l'écriture de Jennifer Tremblay qui m'a énormément plu. J'espère qu'elle écrira à nouveau. Je compte bien lire son premier roman, Tout ce qui brille.
Un extrait:
"Je n'ai pas levé la main sur elle.
Je n'ai pas payé quelqu'un.
Entrez chez elle et assassinez-la.
Et pourtant c'est comme si.
On dirait que je l'ai tuée.
Je suis responsable de sa mort.
Je ne pense pas si je n'avais pas été sur son chemin elle ne serait pas morte.
J'était sur son chemin pour éviter qu'elle meure.
Elle est morte.
J'ai failli à mon devoir."
p.11